Mehdi-Jomaa-Banniere

Le chef du gouvernement provisoire Mehdi Jomaa doit prendre des mesures drastiques d’urgence, afin de sauver ce qui pourrait encore l’être dans une économie en charpie.

Par Mohamed Chawki Abid*

Si, dans quelques mois, le recouvrement des «créances fiscales» ne seront pas au rendez-vous et le «principal du service de la dette» ne sera pas reporté, les autorités tunisiennes seraient mises dans l'obligation de comprimer la «masse salariale» par un moyen ou un autre (baisse drastique des gros salaires, décote des salaires moyens, limogeage des défaillants, poursuite des corrompus, aide au départ...).

Il est utile de rappeler que des pays traversant une crise similaire, comme Grèce et Chypre, ont été amenés à tailler dans les salaires et les dépenses de la fonction publique, d'une part, et à traquer les fraudeurs et prédateurs et rééchelonner les dettes d'autre part.

A présent, et souffrant d'une perte critique de sa crédibilité, le Premier ministre Mehdi Jomaa gagnerait à prendre les mesures indispensables suivantes, et en urgence:

1) renoncer à ses émoluments personnels (à l'exception du véhicule);

2) réduire son tour de table à 10 pax avec limitation à 50% du salaire nominal;

3) réclamer le dégraissage du budget du Palais de Carthage et la baisse des émoluments du président provisoire de la république d'au mois 50%;

4) exiger le retour aux émoluments de décembre 2011 pour les élus de l'Assemblée nationale constituante (ANC);

5) amputer les salaires de la fonction publique et des entreprises étatiques de 10 à 30%, par paliers de rémunérations;

6) révoquer le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), son vice-gouverneur assurera l'intérim;

7) geler la promotion et le recrutement dans l'administration et les entreprises publiques;

8) réduire des dépenses de la fonction publiques de 50% (moyens de transport, carburants, voyages...);

9) reporter l'acquisition des besoins de renouvellement des immobilisations;

10) transférer la tutelle de la garde présidentielle au ministère de l'Intérieur;

11) céder les véhicules de fonction, pléthoriques, sur le marché suivant une procédure rapide;

12) planifier les réunions hebdomadaires du conseil des ministres dans les chefs lieux de l'arrière-pays, en commençant par Gafsa pour aider à régler les problèmes de la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG), contrainte à fonctionner au ralenti depuis 3 ans;

13) décompenser les prix de produits non consommés par les couches démunies (super sans plomb, diesel 50, fort ampérage, gaz de ville...)

14) mettre en jeu la clause de sauvegarde: barrières administratives et tarifaires;

15) généraliser et normaliser la TVA autour de 3 taux: 10%, 20% et 30% (ex-liste des 29%);

16) négocier le rééchelonnement des dettes bilatérales et multilatérales, avec 3 ans de grâce. Naturellement, ces mesures préalables sont nécessaires mais demeurent insuffisantes.

Cependant, tout retard dans l'administration de la thérapie engendrera certainement des traitements encore plus lourds. S'il continuait à tergiverser sans rattraper le retard critique, M. Jomaa serait acculé à plier bagages et à demander gentiment «pardon», afin d'épargner au pays un enlisement irréversible et une escalade dans les contestations voire dans les émeutes.

* Ingénieur économiste.

 

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