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L'aveuglement du ministre de la Santé à vouloir imposer, par la force des institutions, un texte de loi rejeté par les médecins a culminé vendredi par l'agression d'un professeur de médecine.

Par Dr Karim Abdellatif*

Une institution est responsable de tous ses agents. Ce qui s'est passé le 3 janvier 2014 est très grave! Le Professeur Chokri Kaddour, chef du service d'anesthésie-réanimation à l'hôpital de la Rabta, a été violemment agressé par un agent de sécurité du ministère de la Santé publique, au vu et au su de tous (la vidéo de l'incident ayant d'ailleurs été publiée aussitôt dans de nombreux médias).

Le gouvernement a eu recours depuis quelques jours aux réquisitions pour contraindre les résidents en médecine (ayant boycotté le choix des stages pour le 1er semestre 2014) à travailler contre leur gré et sous la menace de peines d'emprisonnement.

Le ministère de la Santé est désormais acculé à utiliser la force institutionnelle et le plus dangereux est qu'il se montre incapable de contrôler ses chiens enragés, ses pitbulls... La force est l'arme des faibles, l'arme de ceux qui sont en tort et qui ont échoué à convaincre les autres par le bon sens et la logique.

Le bon sens voudrait en effet que les réformes nationales importantes soient élaborées en collaboration avec les parties prenantes, ce qui n'a absolument pas été le cas.

Le projet de loi 38/2013 qui voudrait imposer un travail obligatoire de trois années aux jeunes médecins spécialistes a été étrangement parachuté... D'où? Nul ne le sait exactement...

Ce document a toutes les caractéristiques d'un texte sacré. Son auteur était peut-être un messie, voire un demi-dieu... Ce texte aurait-il même jamais été écrit? Précéderait-il la création du cosmos ?

Ce projet de loi, qui prive aussi les nouveaux médecins spécialistes du droit de s'installer dans le secteur privé, est la pierre angulaire de la stratégie du ministère de la Santé publique. En privé, on y reconnaît à demi-mots que c'est une loi du ministère, mais officiellement, ce sont des députés du peuple qui l'ont soumis à l'Assemblée nationale constituante (ANC)...

Quel est donc la valeur de cette assemblée qui retarde aux calendes grecques la parution de la nouvelle constitution et qui devient l'instrument, voire le jouet de ministres plus que contestés et aux couleurs politiques très prononcées?

La démocratie ne confère pas tous les pouvoirs aux partis politiques vainqueurs. La démocratie n'instaure en aucune façon une dictature légale et légitime. Le jeu démocratique suppose en revanche le respect et la participation de tous les acteurs importants de la société à la vie de la «res publica», de la «chose publique»...

Les syndicats n'ont été consultés qu'après la rédaction de ce projet de loi, pour n'en discuter que les modalités et non le principe... Il en a été de même pour le Conseil national de l'Ordre des Médecins et les représentants des facultés de médecine...

Quelle est donc cette nouvelle démocratie tunisienne? Un système où des petits «émirs» ont tous les droits et utilisent les institutions à leur guise? Cette Tunisie ne sera pas la mienne! J'entre en dissidence...

«Nous sommes Légion, nous ne pardonnons pas, nous n'oublions pas. Attendez-vous à nous!»

* Résident en Orthopédie.

Lien de la vidéo de l'agression du Pr Kaddour. 

Illustration: L'agresseur du Pr Kaddour commet son acte et s'enfuit sans être arrêté par les forces de l'ordre... comme si de rien n'était. L'agent de sécurité Fakhreddine El-Mouldi a-t-il agi spontanément ou a-t-il reçu des instructions pour agresser le Pr Kaddour? Sera-t-il sanctionné? Ou jouit-il de l'impunité que confère la protection de ses supérieurs?