Raouf Laroussi écrit – Il ne s’agit pas seulement d’avoir des lois constitutionnelles, mais surtout de les respecter comme étant constitutifs de la cité.


Je me sens rongé par la question de la constitution. Nous, Tunisiens, serons appelés à voter pour l’élection d’une constituante qui aura, notamment, la charge de rédiger une nouvelle constitution. Mon souci ne se situe ni au niveau des partis, qui sont en train de proliférer, ni au niveau des craintes soulevées par l’interférence du religieux dans le politique, ni au niveau de l’organisation des élections et de leur déroulement dans un climat démocratique. Je ne m’inquiète pas non plus de la nature de la constitution qui émanera de ce processus long et encore incertain. Ce qui me ronge c’est ce que nous ferions de la constitution, une fois une celle-ci est adoptée.

Le génie de manipuler les lois
En effet, le passé récent de la vie politique en Tunisie nous a administré la preuve que la classe politique tunisienne a le génie de manipuler les lois et de les modeler de manière à en faire un objet au service d’un homme ou d’un clan.
En essayant de me documenter un peu sur l’histoire des constitutions, je suis remonté jusqu’à Sparte et Athènes. Dans une présentation d’un ouvrage sur les constitutions de Sparte et d’Athènes, Dominique Colas, professeur agrégé à l’Institut des études politiques de Paris écrit: «Le débat sur le statut respectif de la parole et de l’écriture, tel qu’il peut s’appuyer sur les textes constitutionnels de Xénophon et d’Aristote, permet, dans une perspective originale, de relire la tradition politique occidentale. Car, même si les tentations de l’hiérocratie ou du chef séduisant par le charme de sa voix s’y manifestent, on peut soutenir l’hypothèse que son fondement, depuis les Grecs, est à chercher dans un ‘‘graphocentrisme’’ politique qui affirme, comme constitutifs de la cité, et l’autonomie et le primat des textes fondateurs».
Mon propos est que notre histoire récente inspire la crainte que, contrairement à ce qui se passait dans la Grèce antique ou dans les démocraties occidentales, nous ne soyons pas en mesure de respecter ce «graphocentrisme» politique qui affirme, comme constitutifs de la cité, et l’autonomie et le primat des textes fondateurs.
Autrement dit, saurons-nous un jour, nous Tunisiens, respecter les lois que nous consentons à établir ?

* Universitaire, enseignant à l’Ecole nationale d’ingénieurs de Tunis
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