Salah Kedidi écrit- La démobilisation des grandes puissances face aux attaques militaires des armées de Kadhafi et de ses fils contre le peuple libyen, abandonné et livré à lui-même, est insupportable.


Dans son éditorial du 15 mars, le journal e ‘‘Le Monde’’ évoquant la situation en Libye s’indigne: «Traité comme un paria, mis au ban des nations, pestiféré et décrété ‘‘illégitime’’, il est abandonné par ses derniers alliés. Il est condamné. Mais tout se passe comme si la communauté internationale s’était résignée à voir le colonel Kadhafi écraser l’insurrection et rester au pouvoir. Tout se passe comme si elle considérait que les exactions perpétrées par le régime ces dernières semaines – centaines de morts dans la population civile, tortures, arrestations arbitraires et ‘‘disparitions’’ d’opposants – ne fournissaient pas encore de base juridique à une aide militaire indirecte à l’insurrection».

Kadhafi promet des «milliers de morts»
La révolte libyenne commence le 15 mars. Les manifestants qui ne sont pas encore armés gagnent la sympathie et le soutien moral du monde occidental épris de liberté. On se permet même de promettre un soutien sur le terrain aux révoltés. Kadhafi se fâche et promet à son tour des «milliers de morts» si les Occidentaux interviennent militairement.
La dissidence de certains éléments de l’armée régulière, qui se joignent aux civils, fait que  l’insurrection devient armée. Le soulèvement qui n’est plus à cent pour cent populaire prend l’allure d’une guerre civile: l’Est contre l’Ouest. Et c’est là que les choses se compliquent. Ce n’est plus une armée contre un peuple mais ce sont deux armées qui s’affrontent : une des raisons pour laquelle la cheffe de la diplomatie de l’Union européenne (UE), Mme Catherine Ashton, et le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, réagissent au sujet avec une certaine réserve.

Les puissances mondiales croisent les bras
M. Kadhafi reste dans la provocation et que font les instances internationales?
Pas grand-chose. Pour l’Allemagne, tant qu’il n’y a pas 4 millions de… Libyens tués, comme à Auschwitz, on n’intervient pas.
Du côté Russe on estime que l’on n’a pas encore atteint les 200.000 morts Hongrois de l’insurrection de 1956. Ce n’est donc pas grave!
Le gouvernement chinois n’a pu compter que 300 morts lors des évènements; ce chiffre comparé à celui des 1.500 tués en une nuit (3 au 4 juin 1989) lors d’une  seule intervention place Tiananmen n’est pas très important et ne nécessite aucune action contre le régime du colonel Mouammar.
Les Etats-Unis affirment que Kadhafi doit partir et ne font rien pour (‘‘Parole, parole, parole’’ chantait Dalida). Ils jugent peut-être qu’ils ne peuvent pas intervenir parce qu’on n’a pas encore prouvé que le Guide a des armes de destruction massive.
Quant à Recep Erdogan, Premier ministre de la Turquie, l’un des partenaires stratégiques incontournables de la région, il a déclaré: «Nous considérons qu’une intervention militaire de l’Otan contre la Libye ou un autre pays serait totalement non-profitable». C’est une question de profit voyez-vous?
La France et la Grande Bretagne plaident pour des frappes aériennes ciblées, mais leur suggestion ne trouve pas d’écho auprès du G8. Séduites par l’idée mais abandonnées par le reste de la (dés)-Union européenne.

Une intervention militaire arabe… au Bahreïn  
Que reste-t-il? Ah oui, les Arabes. Leur Ligue décide d’exclure la Libye de ses rangs et approuvent l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne. Pourtant Bernard Henry Levy a bien suggéré une intervention militaire arabe. Il rêve! Il ne se rend pas compte que mener une action de ce genre, surtout par les pays du Golfe, serait légitimer des insurrections chez eux?  De toutes les façons l’Arabie Saoudite s’apprête à réprimer… la révolte populaire de Bahreïn grâce au Bouclier du Golfe.
Ajoutons que la catastrophe du Japon a relégué les évènements de la Libye au troisième plan. Du côté des médias, depuis cinq jours la priorité a été mise sur l’archipel et le temps consacré aux caprices de la nature est plus important que celui consacré aux caprices de Kadhafi. En attendant, les Libyens n’arrivent pas à s’imaginer qu’on puisse les oublier. Ainsi va le monde.