Me Haïfa Ouertani, avocate franco-tunisienne inscrite au barreau de Tunis, remettra aujourd’hui une lettre à Yadh Ben Achour, signée Samir Bouzidi, portant sur la représentativité des Tunisiens de l’étranger dans les futures institutions de l’Etat tunisien.  En voici le texte…


Paris le, 10/03/2011

A Monsieur Yadh Ben Achour, président de la Commission nationale de réformes politiques
Objet: Représentativité des Tunisiens de l’étranger dans les futures institutions et conditions du vote du 24  juillet pour l’Assemblée Constituante.

Monsieur le Président,
En préambule, je tiens à saluer votre démarche juste, pondérée et participative qui constitue un merveilleux gage pour l’avenir de notre future démocratie et nous motive à exercer davantage une citoyenneté active et positive.
Monsieur le Président, si les dispositions de l’actuel Code électoral en Tunisie restaient inchangées, 1, 3 million de Tunisiens de l’étranger devraient se résoudre à suivre en simple téléspectateur les prochaines élections législatives.
En effet, d’après la Constitution tunisienne, notre communauté à l’étranger ne peut voter qu’aux élections présidentielles et aux référendums. C’est dire que parmi les 214 députés et 126 conseillers (équivalent de nos sénateurs en France) qui siègent au parlement tunisien, aucun n’a la légitimité de l’élu pour porter notre voix.
Les Tunisiens de l’étranger contribuent largement à l’enrichissement de la Tunisie et à son rayonnement à travers le monde. Notre apport financier constitue la deuxième source de devises du pays et nos influences sur le développement de la Tunisie nouvelle sont, à l’évidence, aussi incontournables que prometteuses. Est-ce qu’une démocratie digne de ce nom peut continuer à priver 12% de ses citoyens de leur droit légitime à faire entendre leur voix?
Jusqu’alors, le parlement tunisien n’étant qu’une chambre d’enregistrement des décisions présidentielles, la question de notre représentativité n’offrait que peu d’intérêt stratégique. Dans la perspective annoncée du renforcement du parlement, il est crucial que notre communauté y soit représentée. Autour de nous, en France, les 2,3 millions de Français de l’étranger sont représentés par douze sénateurs auxquels vont s’ajouter douze nouveaux députés en 2012 (Loi Marleix). Les 3 millions de Marocains de l’étranger sont représentés au sein du Conseil Représentatif des Marocains à l’étranger, organe consultatif dont le Président a le rang de ministre placé directement sous la tutelle du roi Mohamed VI.
La révision de la Constitution et du Code électoral doit atténuer voire lever cette injustice. Nous attendons que de nouvelles mesures viennent rendre justice à plus d’un million de compatriotes hors de Tunisie afin qu’ils soient enfin représentés comme tous les Tunisiens.
A ceux qui opposeraient le coût et la faisabilité matérielle de ces ajustements, nous répondons que nous sommes soucieux d’intégrer les impératifs de finance publique. Par exemple, nous serions disposés à voter pour des députés résidents en Tunisie à condition qu’ils aient toute la légitimité pour nous représenter. A l’heure d’internet, un député peut aisément rester en contact permanent avec ses administrés.
Par ailleurs, nous tenons à porter à votre attention, Monsieur le Président, que l’élection de l’Assemblée constituante étant prévue pour le 24 juillet, à cette date, la plupart de nos concitoyens à l’étranger seront en vacances au pays pour visiter leurs familles et marquer leur solidarité avec la Tunisie libre.
En conséquence, bon nombre d’entre nous ne pourrons nous rendre dans les consulats pour accomplir notre devoir électoral. Or, l’actuel Code électoral exclut le vote par procuration.
Ce premier suffrage démocratique mobilise énormément notre communauté comme en témoignent, depuis le 14 janvier, les inscriptions massives sur les listes électorales tenues par les consulats. Pour permettre à tous de prendre part au vote, serait-il envisageable d’avancer la date du vote à juin pour les Tunisiens de l’étranger, de faciliter le vote par procuration ou à défaut de nous donner la possibilité de voter en Tunisie?
Je reste à votre disposition, Monsieur le Président, pour échanger de vive voix autour de cette question clé pour notre démocratie et l’avenir de notre pays.
Respectueusement

Samir Bouzidi

Editeur-journaliste du magazine ‘‘00216’’ et du portail ‘‘Tunisiensdumonde’’ .