manif ennahdha 8 5Oui à la légitimité d'un parti qui respecte ses adversaires politiques et les échéances électorales et qui s'engage par écrit à organiser des élections anticipées avant terme en cas d'échec patent dans la gestion du pays!

Par Habib Boussaadia*

Avec les événements en Egypte et la déposition de son président, la communauté internationale a désapprouvé du bout des lèvres, car elle était face à un dilemme: défendre la légitimité d'un président élu dont les erreurs de gestion sont indéniables ou accepter qu'on piétine cette légalité au nom de la sauvegarde des acquis de la république.

Cette alternative s'est imposée particulièrement à notre chère troïka qui a vu dans le scénario égyptien un risque de contagion en Tunisie: conscients d'être sur un siège éjectable, nos dirigeants ont commencé à tirer la sonnette d'alarme en scandant «légalité, légitimité, et droit»!

Cette mise en garde proférée haut et fort est acceptable sur le principe, car une jeune démocratie a besoin de repères pour s'épanouir et le meilleur garant de la pérennité d'une bonne gouvernance est le respect du choix du peuple. C'est avec une forte charge émotionnelle, que je vais aborder le problème de la légalité d'un mandat en Tunisie et des risques de déviation de la démocratie de son essence même.

* La légitimité d'un mandat est régie par des règles, dont le temps, et le mandat des députés de l'Assemblée nationale constituante (ANC) devrait prendre fin le 22 octobre 2012: là s'est arrêté leur légitimité et la prolongation de leur «mission» décidée par consensus national, ne devrait pas s'étirer indéfiniment au gré des calculs politiques des constituants! Le problème en Tunisie est qu'on n'a pas à ce jour fixé la date des échéances électorales; ce qui suppose que les actuels mandataires ne sont pas pressés d'organiser les élections: plus ça dure plus le peuple s'habituera à la transformation d'un mandat légal en mandat continuel! Les prétextes pour rallonger et étirer le règne de la troïka ne sont pas des pratiques démocratiques!

* A cette légitimité temporelle, on peut rajouter la légitimité du bilan socioéconomique d'un gouvernement: un bilan positif avec une croissance soutenue est le garant de la stabilité, mais si ce dernier est plutôt mitigé pour ne pas dire nul et si de surcroit vous essayer de bluffer, alors la colère du peuple devient incontrôlable et la légitimité devient caduque: dans les vraies démocraties le gouvernement «tombe» et des élections anticipées sont programmées.

L'échec des révolutions arabes et due à ces grosses erreurs stratégiques des partis à tendance islamique: en prenant les rênes du pouvoir par la voie légale des urnes, les dirigeants islamistes ont immédiatement procédé à la colonisation des rouages de l'appareil de l'Etat en nommant des «barbus» peu ou pas compétents, délaissant au second plan la relance d'une économie déprimée, anémiée, oubliant aussi que le mécontentement populaire signifie l'échec de leur gouvernement dont la démission est très attendue.

Si vous additionnez les faits suivants : une justice piétinée, un ministère de l'Intérieur vassalisé par le parti majoritaire avec comme conséquence directe une insécurité criarde, une politique étrangère désorientée, une inflation non maitrisée et surtout un discours arrogant des responsables gouvernementaux, vous avez tous les ingrédients d'une gérance chaotique. Il n'en faut pas plus pour susciter la colère du peuple qui voit sa révolte aboutir à une islamisation rampante et forcée sans projet économique viable pour l'avenir du pays.

En conclusion, je dirai oui pour la légitimité, mais légitimité d'un parti gagneur qui respectera l'adversaire politique (démocratie ne rime pas avec tyrannie), légitimité d'un parlementaire qui respectera l'échéance électorale (un mandat qui dépasse la durée légale devient illégal) et enfin légitimité d'un gouvernement qui s'engage par écrit et non verbalement (la parole n'est plus ce qu'elle était avec ces gens là) à faire des élections anticipées avant terme en cas d'échec patent dans la gestion du pays!

* Médecin de pratique libre, musulman pratiquant, ayant accompli son pèlerinage.