En rappelant à Orascom Telecom Tunisie (Ott), détentrice de la licence de téléphonie mobile Tunisiana, qu’elle doit avoir une autorisation avant tout changement dans la formation de son actionnariat, l’Etat tunisien montre qu’il n’est pas indifférent au sort de l’opérateur privé.


Conformément à la concession accordée à Tunisiana en 2002, Ott doit, en effet, obtenir l’autorisation préalable de l’Etat tunisien pour tout changement dans la participation directe ou indirecte dans son actionnariat. C’est ce que vient de le lui rappeler, dans une lettre officielle, le ministre des Technologies de la communication, M. Mohamed Naceur Ammar.
En d’autres termes, le groupe russo-norvégien VimpelCom, qui vient d’acquérir 51,7% du capital d’Orascom Telecom Holding (Oth), de l’Egyptien Naguib Sawiris, détenteur lui-même de 50% du capital d’Ott, ne saurait entrer en catimini dans le capital de l’opérateur mobile tunisien et, encore moins, prendre brutalement son contrôle. En d’autres termes, l’arrivée d’un géant comme VimpelCom dans un secteur considéré par les pouvoirs publics tunisiens comme fortement stratégique devrait passer par des négociations préalables avec l’Etat tunisien, qui a accordé la licence à Ott à des conditions précises.


Siège d'Orascom Telecom Holding, au Caire.


Des Qataris à la rescousse?

Il convient ici de rappeler le précédent du rachat, par Qatar Telecom (Qtel), du koweïtien Wataniya et de la participation de 50% de ce dernier dans la même Ott, qui a du obtenir l’aval des autorités tunisiennes.
Selon nos confrères Tustex, les autorités tunisiennes verraient d’un meilleur œil le rachat, par Qtel, des 50% d’actions d’Ott détenues par Oth. Ils croient même savoir que «l’affaire Orascom aurait été l’un des sujets centraux évoqués lors de la visite de l’émir du Qatar, Cheikh Hamad Ibn Khalifa Al Thani, le 8 octobre, à Tunis».
Dans l’entretien entre l’émir et le président Ben Ali, il a été question, selon l’agence officielle Tap, du «renforcement de la coopération», de «l’impulsion de l’investissement» et particulièrement des «mégaprojets d’investissement».
L’annonce, le 13 octobre, du lancement officiel du projet de la station touristique de 40 hectares du groupe Qatari Diar à Tozeur, au sud-ouest du pays, est venue confirmer le regain d’intérêt pour le renforcement de la coopération entre les deux pays.
L’Etat tunisien, qui a vu les promesses d’investissements d’autres émirats pétroliers dans de mégas-projets en Tunisie s’évaporer ou reportés, semble également chercher un appel d’air auprès des investisseurs qataris, beaucoup moins impactés par la crise mondiale que leurs homologues émiratis.

La manière et/ou le droit
Reste que l’affaire d’un possible contrôle de Tunisiana par VimpelCom est loin d’être réglée, car on voit mal, à la vérité, l’Etat tunisien opter pour la posture agressivement protectionniste de son homologue algérien, qui fait prévaloir son droit de préemption sur Orascom Telecom Algérie (Ota), autre filiale d’Oth, détentrice de la licence de téléphonie mobile Djezzy, au risque de susciter des inquiétudes chez les investisseurs étrangers.
La Tunisie, dont l’économie est très ouverte – et donc structurellement dépendante – des investissements étrangers n’a aucun intérêt, il est vrai, à brouiller son image de site attractif pour les capitaux étrangers, surtout en cette période de vaches maigres, durant laquelle le pays multiplie les actions visant à impulser l’investissement, pour doper la croissance et l’emploi. C’est d'ailleurs la raison qui a amené Mohamed Naceur Ammar à démentir formellement, jeudi 14 octobre, lors de la présentation à Tunis du rapport sur l’économie de l’information de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced), les informations selon lesquelles les autorités tunisiennes auraient demandé à Qatar Telecom d’exercer son droit de préemption et de racheter les 50% détenus par Oth dans Ott.
Cela voudrait-il dire que le rachat de 51,7% du capital d’Ott par VimpelCom permet au géant russo-norvégien de prendre automatiquement le contrôle d’Ott et de sa marque Tunisiana?
Oui, et non, semblent répondre les autorités tunisiennes. Oui, sur le papier (ou par principe), non pour une prise de contrôle brutale, c’est-à-dire non précédée de négociations qui préserveraient le secteur des télécoms en Tunisie de bouleversements imprévisibles.

Pour une économie planifiée voire largement administrée, malgré sa grande ouverture sur l’extérieur, les manières de capitalisme sauvage, fondée sur la seule logique du fait accompli, ne sauraient être acceptées, au risque de nuire aux équilibres généraux du pays. Les responsables de VimpelCom, qui ont des ambitions dans la région, le savent autant (sinon plus) que Naguib Sawiris: leurs ambitions ne sauraient se concrétiser sans une implication active des autorités locales. La balle est donc dans leur camp: ils doivent choisir la bonne tactique, car dans ce genre d’affaire, la manière importe plus que le droit.

Malek Neili

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