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La présence de Caïd Essebsi à Carthage épargnera à la Tunisie les affres de la cohabitation et assurera la cohésion entre le gouvernement et la présidence.

Par Mohamed Salah Kasmi*

La question du maintien de la candidature à la présidentielle de Béji Caïd Essebsi (BCE), président de Nida Tounès, parti vainqueur aux législatives du 26 octobre 2014, est au cœur des débats qui animent la société civile et les partis politiques en Tunisie.

L'âge serait-il un inconvénient ou un avantage?

Le 29 novembre prochain, BCE aura 88 ans. Malgré cet âge avancé, il faut admettre que BCE, homme actif et intègre, doublé d'un brillant avocat aux idées modernistes, a su fédérer les familles politiques démocratiques et progressistes pour réussir son coup de maître: vaincre le parti islamiste Ennahdha.

Cet exploit exceptionnel plaide en faveur du maintien de sa candidature. Mais certains continuent à stigmatiser son âge. Il est bon de rappeler que Konrad Adenauer, premier chancelier de la République fédérale allemande, a quitté le pouvoir à l'âge de 91 ans.

BCE a mené le processus électoral de la première phase de transition à son terme. Il a démontré ainsi sa capacité à gérer les crises. Je rappelle également que pour remplacer Ali Larayedh, ancien Premier ministre de la troïka, le dialogue national a pensé à Mustapha Filali (93 ans) et Ahmed Mestiri (90 ans), avant de faire appel à Mehdi Jomâa.

La vieillesse n'est pas la déchéance mais la sagesse fruit d'une longue expérience et d'un savoir-faire.

La vraie question qui se pose est de savoir si la Tunisie peut se passer d'un homme charismatique comme BCE qui exerce encore son pouvoir de fascination sur beaucoup de Tunisiens. Il suffit de consulter les sondages qui le placent toujours en tête des élections présidentielles depuis plus de trois ans.

Conformément à la nouvelle constitution, le président de la république est le chef de l'Etat et le symbole de son unité. Il est le garant de son indépendance et de sa continuité. A ce titre, il veille au respect de la constitution. Il définit les politiques générales de la défense, des relations étrangères et de la sécurité nationale. Il assure le haut commandement des forces armées et la présidence du conseil de la sécurité nationale. Il ressort de ces attributions que la Tunisie a besoin d'un homme sage, diplomate, expérimenté et consensuel.

BCE possède une solide expérience acquise en tant qu'ambassadeur puis comme ministre des Affaires étrangères, président du Parlement et Premier ministre. Eu égard son profil, il se place en tête des candidats à la présidentielle.

La cohabitation politique nuit-elle à la démocratie naissante?

En cette période encore transitoire et donc fragile caractérisant la transition démocratique, la Tunisie doit éviter de tomber dans un système de cohabitation politique à la française comme au temps de Mitterrand et Chirac. Ce phénomène se distingue par un tiraillement entre le président de la République et le Premier ministre et engendre une situation politique conflictuelle.

Aujourd'hui, Nida Tounes vit une dynamique qu'il faut consolider afin d'éviter une confrontation entre un futur chef de l'Etat et un futur chef du gouvernement issus de deux conceptions différentes. La cohabitation politique a prouvé que sans l'appui du Parlement, le président de la République ne peut travailler sereinement. La meilleure illustration vient de notre pays qui a vécu durant la gouvernance de la troïka un bras de fer entre l'ancien Premier ministre islamiste Hamadi Jebali et le président provisoire de la République Moncef Marzouki lors de l'affaire Mahmoudi Baghdadi, ancien Premier ministre Libyen.

C'est pourquoi le maintien de la candidature de Béji Caïd Essebsi est de nature à éloigner les risques de cohabitation politique.

Le contexte politique de notre pays dicte cette candidature. La Tunisie a devant elle plusieurs chantiers à réaliser et aura besoin davantage de cohésion entre l'action gouvernementale et la direction présidentielle.

* Ecrivain et essayiste, auteur de « Tunisie : l'islam local face à l'islam importé » paru à Paris chez L'Harmattan en octobre 2014.

 

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