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Lettre ouverte au 87 élu(e)s de la Constituante qui ont voté la loi portant création du «Fonds de la dignité au profit des victimes de la dictature»: un gigantesque braquage à effet rétroactif aux dépens de la révolution tunisienne.

Par Mohamed Ridha Bouguerra*

Le vote historique qui a eu lieu dans le cadre de l'examen de la loi des finances de 2014, et par lequel vous avez créé ce honteux «Fonds de la dignité au profit des victimes de la dictature», s'est déroulé nuitamment, à l'heure du crime, vers deux heures du matin, dans la nuit du dimanche au lundi 30 décembre 2013.

Un braquage à effet rétroactif

Manifestement, vous n'avez pas tiré la leçon du vote opéré dans des circonstances similaires, vers minuit, presque à la même date, l'année dernière, et par lequel vous avez escompté vous attribuer de nouvelles et faramineuses indemnités qui ont choqué la plupart de vos concitoyens, mais heureusement annulées par la suite grâce à la vigilance du Tribunal administratif.

Le vote de 2013 restera, lui, sans doute, dans les annales comme un éhonté, manifeste et gigantesque braquage à effet rétroactif aux dépens de notre Révolution, initiée, pourtant, par les plus démunis de ce pays en quête de dignité.

Les retombées matérielles, sonnantes et trébuchantes, de ce vote ne profiteront, en effet, qu'à vos seuls militants qui, pourtant, durant les années de braise étaient, en réalité, davantage soucieux des intérêts de votre propre parti et de son idéologie conservatrice et rétrograde que préoccupés des intérêts vitaux de notre patrie à laquelle ils préféraient, et vous-mêmes aujourd'hui fort probablement, le rêve de la chimérique «oumma» islamique.

Je vous imagine, mesdames et messieurs les 87 élus – sur les 217 que compte la Constituante – ayant voté pour cet article subrepticement ajouté à la loi des finances malgré l'opposition, voire l'indignation clairement exprimée du ministre des Finances – qui n'a pas démissionné pour autant –, bien satisfaits de vous-mêmes.

Ainsi, je vous imagine en train de vous congratuler mutuellement, en pleine nuit et dans un hémicycle quasi désert, après avoir remarquablement réussi, par un acte prémédité depuis longtemps, à rouler dans la farine le bon peuple qui a voté pour vous un certain 23 octobre.

Il croyait, le pauvre !, ce bon ¼ du peuple tunisien, qu'il allait confier son destin à «des gens honnêtes, aux mains propres et qui, surtout, craignaient Dieu»!

Vos sympathisants ne pouvaient imaginer, cependant, que l'exercice du pouvoir corrompt au point de faire de vous des parasites et des sangsues aussi voraces et cupides que l'ancienne «famille» qui nous a pressurés si durement sous la dictature.

A l'égal des bandits

Au point aussi de faire de vous les seuls vrais riches de ce pays, à l'égal des bandits, contrebandiers, passeurs et autres trafiquants en tous genres qui ont pullulé depuis que vous vous êtes emparé du pouvoir en mettant à votre botte une assemblée élue pour la seule rédaction de la constitution et devenue illégitime depuis plus d'un an déjà.

Mais vos électeurs pouvaient-ils se douter que votre parti allait cyniquement renier la signature par laquelle il s'était engagé à parachever en une année la tâche constitutionnelle pour laquelle il a sollicité la confiance des électeurs?

Que penser, en effet, des dirigeants de votre parti politique pour qui un engagement moral n'est pas assez contraignant pour être pris en considération sur le plan politique?

Comment s'étonner alors que de pareils responsables politiques aussi peu fidèles à leur propre signature et vous-mêmes, leurs exécutants au sein du législatif, soyez si peu enclins à vous soucier de la situation socio-économique difficile, sinon désastreuse, par laquelle passe la majorité des citoyens de ce pays?

Les électeurs s'en souviendront

Comment s'étonner que vous soyez vous-mêmes tentés de saisir la moindre occasion pour profiter de l'opportunité offerte par la Révolution, que vous trahissez ainsi, en vous dépêchant de faire votre beurre tant que vous avez le pouvoir entre les mains, et cela dans l'indifférence totale envers les plus modestes de vos électeurs?

Désespérant de vous mettre devant votre conscience à laquelle nous arrivons difficilement à croire, nous vous mettons devant vos électeurs. Car, ne dit-on pas, à quelque chose, malheur est bon?

Aussi, votre acharnement à faire aboutir votre ajout à la loi des finances aura-t-il le mérite de vous démasquer davantage aux yeux de vos électeurs tellement déçus, sinon révoltés, comme l'ensemble de nos compatriotes, par votre avidité et votre rapacité si manifestes, qu'ils ne manqueront sans doute pas de vous sanctionner lors des prochaines échéances électorales.
Amen.

* Universitaire.

 

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