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Et si le but secret et ultime des élus et dirigeants conservateurs et islamistes d'Ennahdha, et celui de leurs satellites, était de récuser la future Constitution jugée non conforme aux préceptes du Coran, d'instaurer Califat et de réclamer l'application de la chariâ?

Par Mohamed Ridha Bouguerra

J'accuse les dirigeants de la Troïka, les élus conservateurs et islamistes d'Ennahdha ainsi que leurs satellites à l'Assemblée nationale constituante (ANC) de détournement de la volonté populaire telle qu'exprimée par le vote du 23 octobre 2011 en vue de doter le pays d'une nouvelle Constitution. Ce document, plus de deux ans après, est en souffrance et n'est encore ni discutée ni adoptée et cela en raison de l'embourbement où les élus du parti islamiste majoritaire ont conduit la Constituante engagée dans les méandres d'un travail législatif pour lequel elle n'a pas été élue.

J'accuse les élus conservateurs et islamistes d'Ennahdha ainsi que leurs satellites à l'ANC de ne pas honorer la signature des dirigeants de leurs partis respectifs et de renier l'engagement moral et politique de ces derniers d'achever la rédaction de la Charte nationale en un an.

J'accuse les membres conservateurs et islamistes du gouvernement de la Troïka de l'intention de s'accrocher à leurs sièges, de vouloir accaparer durablement le pouvoir et de refuser l'alternance pacifique au sommet de l'État, et cela malgré les appels incessants et répétés à la démission, appels auxquels ils opposent continuellement le fallacieux prétexte de jouir de la légitimité électorale devenue, cependant et en principe, obsolète et caduque un an après le scrutin du 23 octobre 2011.

Une légitimité électorale devenue obsolète

J'accuse les élus conservateurs et islamistes d'Ennahdha ainsi que leurs satellites de transformer l'ANC en un organe de pouvoir absolu et en une simple chambre d'enregistrement par le biais des modifications introduites sur certaines dispositions du règlement intérieur qui entravent le travail de l'opposition et bâillonnent par tout un arsenal juridique les représentants des partis laïcs, démocratiques et modernistes.

J'accuse les élus conservateurs et islamistes d'Ennahdha ainsi que leurs satellites de saper les fondements de l'État civil et républicain tunisien par l'élaboration soit de lois d'inspiration religieuse et controversées mettant en œuvre une islamisation progressive de la vie publique, soit de lois fascisantes, et cela dans une urgence factice, dans un contexte politique, sécuritaire, économique et juridique qui ne s'y prête nullement et, qui plus est, en l'absence des députés de l'opposition démocratique, donc sans une réelle discussion ou débat contradictoire et constructif; les meilleurs exemples étant ici la future loi relative à la réintroduction des habous, ou biens de main-morte, dont la pertinence juridique et économique est plus que sujette à discussion selon la plupart des juristes et économistes tunisiens, ou encore la loi dite d'immunisation de la Révolution que certains députés, à l'instar du sieur Mohamed Abbou, voudraient déterrer et remettre ainsi sur le tapis.

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En quoi le programme d'Ennahdha est-il différent de celui d'Ansar Charia (Abou Iyadh, à droite) et de Hizb Ettahrir (Ridha Belhaj, à gauche)?

Un esprit revanchard, rancunier, antidémocratique

J'accuse les élus et dirigeants conservateurs et islamistes d'Ennahdha ainsi que leurs satellites de faire preuve d'un esprit revanchard, rancunier, antidémocratique, et de défier la grande majorité des Tunisiens, comme lorsque un certain Naoufel Gheribi propose de classer l'UGTT parmi les organisations terroristes, ou lorsque son collègue à l'ANC, Néjib Mrad, lance sur un ton acerbe et virulent, à propos du projet de loi sur les habous, qu'il verra bientôt le jour, «qu'on le veuille ou non», car, argumente-t-il, c'est-là «une exigence populaire émanant du peuple lui-même» et que, poursuit-il, seuls «les ennemis de l'identité arabo-musulmane s'opposeront à ce projet de loi», ou, lorsque le ministre des Affaires religieuses avance, d'une manière péremptoire et qui n'a aucun rapport avec la vérité historique, que l'instauration renouvelée des habous est une des valeurs de la Révolution, ou, enfin, lorsque le locataire provisoire et, en principe, démissionnaire du Palais de la Kasbah, méprisant envers ses adversaires politiques, déclare, en substance, d'une manière hautaine et arrogante, que ce n'est pas à l'opposition qu'il doit le pouvoir pour qu'il se soumette aux injonctions de celle-ci.

J'accuse les élus et dirigeants conservateurs et islamistes d'Ennahdha ainsi que leurs satellites de compter dans leurs rangs des graines de fascistes comme ce député nahdhaoui à l'ANC qui a appelé à crucifier les ouvriers grévistes et autres protestataires, ou cet autre du même parti qui a osé qualifier de héros les assassins qui ont lynché feu Lotfi Nagdh, ou encore le président du groupe des élus du parti majoritaire à la Constituante qui a eu le front de déclarer lors d'une manifestation sur l'avenue Habib Bourguiba, quelques jours à peine avant l'odieux assassinat du martyr Mohamed Brahmi, qu'il est licite de verser le sang de tout opposant qui attaquerait la légitimité électorale qui a amené Ennahdha au pouvoir.

La ruine menaçante de l'économie

J'accuse les élus et dirigeants conservateurs et islamistes d'Ennahdha ainsi que leurs satellites de noyauter l'administration de leurs affidés aux dépens de la compétence requise, et de s'occuper de politique politicienne, afin, espèrent-ils, d'affronter sereinement de prochaines et hypothétiques échéances électorales, au lieu de se consacrer pleinement à prévenir, par des mesures judicieuses, la ruine menaçante de notre économie, ou de répondre, généreusement et positivement, aux attentes des plus démunis et à celles des jeunes plus que jamais désespérés, acteurs bernés de la Révolution.

J'accuse les élus et dirigeants conservateurs et islamistes d'Ennahdha ainsi que leurs satellites de chercher à diviser la société tunisienne et à semer les mauvaises et pernicieuses graines de la discorde, grosse de graves troubles civils à venir, par leur refus d'interdire la propagande à caractère politique dans les mosquées, ou par leur encouragement en sous-main à la propagation d'un enseignement religieux, à tous les niveaux, mais qui échappe à un réel et effectif contrôle des pouvoirs de l'État, au moment même où l'école publique partout se dégrade et connaît cette rentrée un abandon massif de la part d'adolescents en âge scolaire.

J'accuse les élus et dirigeants conservateurs et islamistes d'Ennahdha ainsi que leurs satellites de se soucier davantage des intérêts politiques et matériels de leurs partis respectifs et de leurs adhérents plutôt que d'œuvrer dans le seul souci de la grandeur et de la pérennité de la patrie.

J'affirme donc que pour toutes ces raisons l'ANC ainsi que les élus et dirigeants conservateurs et islamistes d'Ennahdha ainsi que leurs satellites me paraissent avoir définitivement et irrémédiablement perdu toute légitimité et tout crédit moral et politique.

Remettre la Révolution sur les rails

J'affirme, encore et pour finir, que le but secret et ultime des élus et dirigeants conservateurs et islamistes d'Ennahdha et celui de leurs satellites ne se distingue que momentanément et seulement en apparence, car obéissant à des agendas différents, du programme politico-religieux explicitement défendu par Hizb Ettahrir qui a bruyamment manifesté dans les principales artères de la capitale, vendredi 8 novembre pour, d'avance, récuser la future Constitution jugée non conforme aux préceptes du Coran, militer en vue de l'instauration du Califat et réclamer l'application de la chariâ.

Est-ce pour ces valeurs périmées que nous sommes sortis en masses dans les rues et que nous avons chassé un vil dictateur?

Les élections du 23 octobre 2011 ont-elles donné au parti islamiste un chèque en blanc et d'une éternelle validité?
Faudrait-il un nouveau soulèvement populaire pour remettre la Révolution sur les rails et redonner un nouveau lustre à ses nobles mots d'ordre, à savoir, Travail, Liberté et Dignité nationale?