‘‘Grandes tendances d’évolution des valeurs, modes de vie et consommation des ménages en Tunisie’’. C’est le titre de l’étude présentée par Hassen Zargouni, le 2 juin, à l’hôtel Golden Tulip, à Gammarth, dans le cadre de la 2e édition du salon du marketing et de la communication McomExpo. On y apprend des vertes et des pas mûres sur l’évolution de la société tunisienne d’aujourd’hui.  Ridha Kéfi



Le directeur général de Sigma Conseil a présenté les résultats de son étude devant un parterre de spécialistes en communication et en marketing soucieux d’en savoir plus sur les ressorts les plus secrets du comportement des Tunisiens et des Tunisiennes, les valeurs qui sous-tendent leurs comportements et, bien sûr, leurs désirs de consommateurs.
Pour expliquer sa démarche, Zargouni commence par valoriser le marketing, une discipline assez mal vue chez la plupart des Tunisiens qui l’assimilent à une méthode sophistiquée pour «faire dorer la pilule» à de pauvres citoyens sans défense. «Non, le marketing est une forme moderne de gouvernance.» Puisqu’il part des besoins et des attentes du plus grand nombre et cherche à y répondre de la manière la plus adéquate. Le marketing serait même «la forme basique de la démocratie.»



Famille, religion et argent
Sur un autre plan, et tout en refusant de parler des Tunisiens, comme une catégorie unifiée et compacte, Zargouni se permet de définir, chez les Tunisiens, trois catégories cibles, choisies suivant une segmentation par âge et par rôle social.
Il y a d’abord les jeunes: une catégorie assez insaisissable, admet-il, mais qui, grosso modo, concerne les personnes des deux sexes jusqu’à 30 ou 35 ans, âge actuel du mariage chez la majorité des Tunisiens. Il y a ensuite les ménagères, c’est-à-dire les femmes mariées, qu’elles soient actives ou au foyer. Et enfin les adultes actifs. Ce sont ces trois catégories de populations que ciblent généralement les professionnels de la communication et du marketing.   
Si elle étonne par certaines de ses révélations, l’étude de M. Zargouni ne surprend pas vraiment. Au contraire, elle confirme ce que l’on sait déjà, à savoir que les Tunisiens (et les Tunisiennes), pris dans leur globalité sociologique, qu’ils soient jeunes, hommes (adultes actifs) ou femmes (actives ou au foyer), demeurent foncièrement conservateurs. Pour preuve: la famille occupe la première place dans l’échelle de leurs valeurs, suivie de la religion. Seule la troisième place change selon les catégories: les jeunes citent l’amour, les femmes la santé et les hommes – sans surprise – l’argent. Normal, c’est eux qui  souvent payent la note.

Boulot-auto-dodo
Les valeurs de liberté, d’indépendance, de progrès ou de modernité n’apparaissent pas, chez les Tunisiens, comme étant très importantes. Ils n’en expriment pas non plus le besoin comme une urgence ou comme un complément nécessaire à leur bonheur individuel. Famille, religion, ordre, tranquillité, santé, argent et – accessoirement et autant que faire se peut – l’amour. Encore que, ce sont surtout les jeunes qui en expriment le besoin sur le double registre du sentiment et de la pulsion sexuelle. Pour les parents, c’est plutôt boulot-auto-dodo, avec, le dimanche, une visite aux parents et grands-parents, des courses en famille dans un hypermarché et un match de football à la télé (ou une séance de gym ou d’esthéticienne pour madame).
Les Tunisiens seraient donc plutôt conservateurs? Ils voteraient plus volontiers à droite? Les résultats de l’enquête de Zargouni, dans la plupart de ses sections, abonde en ce sens. Mais, si c’est le cas, comment pourrait-on vendre aux Tunisiens de nouveaux produits ou des services innovants? Réponse de Zargouni: «Conservateurs ne signifie pas nécessairement réfractaires au progrès ou ennemis de la nouveauté. Au contraire, si vous voulez vendre un produit aux Tunisiens, mettez dessus l’étiquette ‘‘New’’ et il marchera à coup sûr», explique-t-il.
L’étude de Sigma Conseil, très utile pour orienter les professionnels dans la conception et la commercialisation de leurs produits et services, est assez fouillée et riche. Elle passe en revue tous les aspects de la vie quotidienne des Tunisiens et leurs habitudes de consommation de l’éducation à la santé, de la cuisine aux loisirs, de la banque à la communication, etc. Elle laisse apparaître les similitudes et les différences dans la panoplie des besoins et des attentes des Tunisiens en relation avec leurs âges et leurs catégories sociales. Mais elle identifie aussi de grandes tendances qui brossent un portrait assez précis et crédible de la société tunisienne d’aujourd’hui avec ses élans libertaires contrariés par une recherche continue du consensus. Une société qui bégaie, tâtonne, hésite et se cherche dans le flot des images, parfois contradictoires, qu’elle offre d’elle-même. Une société en transition, forcément peureuse, souvent frileuse et susceptible, généralement portée sur les évidences qui rassurent. Jusque dans sa consommation quotidienne.
Nous y reviendrons…