L’auteur rend un hommage posthume au fondateur du site TUNeZINE, qui a milité pour la liberté d’expression sur Internet en Tunisie, avant de s’éteindre en 2005 à l’âge de 36 ans. Par Samir Messali


Beaucoup d’internautes se souviennent du combat de Slim Amamou, l’actuel secrétaire d’Etat à la Jeunesse et au Sport, et de son ami Yassine pour l’organisation, le 22 mai 2010, d’un sit-in devant le ministère de la Communication pour protester contre la censure de l’Internet en Tunisie.
On se souvient comment ils ont couvert cette action en filmant leurs déplacements et en racontant leur mésaventure dans les couloirs du ministère de l’Intérieur.
Ces deux jeunes furent conduits, avant le la date prévue, au poste de police de la cité Ennasr où on leur fit comprendre gentiment le refus des autorités de l’organisation de la manifestation. Il faut dire que les policiers, déjà conscients de l’effet Facebook, n’ont pas été brutaux avec ces jeunes. Ce ne fut malheureusement pas le cas, en 2002, avec feu Zouhaier Yahyaoui, premier martyr de la liberté d’expression sur Internet en Tunisie.

Ettounssi dénonce les pratiques des Ben Ali et Trabelsi
Zouhaier, diplômé en gestion depuis 1995, et longtemps chômeur, se trouvait gérant d’un cybercafé à Ben Arous. Il découvre alors Internet et crée le site TUNeZINE en Juin 2001 où il diffuse, sous un ton satirique et sous le pseudonyme Ettounssi, des informations sur les atteintes des droits de l’homme en Tunisie. Bien qu’immédiatement censuré ce site rencontre un rapide succès et les informations dans le forum du site sur les agissements des familles Trabelsi et Ben Ali affluent de toutes parts.
Après la publication d’une lettre ouverte écrite par le juge Mokhtar Yahyaoui sur l’indépendance de la magistrature, Zouhaier fut immédiatement arrêté et torturé. Poursuivi pour propagation de fausses nouvelles, il est condamné, en juin 2002, à 28 mois de prison, puis en appel, en juillet 2002, à 24 mois de prison ferme.
Durant son incarcération, Zouhaier a suivi plusieurs grèves de la faim pour protester contre les conditions de sa détention. Entre-temps, le site TUNeZINE continuait à fonctionner grâce à des cyberdissidents  étrangers.

Prix Cyber-liberté
En juin 2003, il s’était vu décerner à Paris le prix Cyber-liberté, récompensant «un internaute qui, par son activité professionnelle ou ses prises de position, a su témoigner de son attachement à la liberté de circulation de l’information sur le réseau.
Il est remis en liberté conditionnelle le 18 novembre 2003 après avoir passé 17 mois de prison. Il sort avec une solide détermination de continuer  son combat pour la liberté d’expression.
Le 13 mars 2005, Zouhaier Yahyaoui décède d’une crise cardiaque au domicile familial de Ben Arous. Il avait 36 ans.
Je suis certain que là où il se trouve maintenant, Zouhaier doit être heureux de ce que les jeunes d’aujourd’hui ont pu réaliser grâce, entre autres, à Internet, ce que lui a commencé 10 ans auparavant.