L’addiction des adolescents et des jeunes aux solvants organiques – colle, aérosols, éther ou acétone, produits en vente publique à des prix accessibles –, est un phénomène global. La Tunisie y est aussi confrontée, à l’instar des autres pays maghrébins. Si on en parle aujourd’hui de plus en plus ouvertement, c’est pour mieux en identifier les causes et en prévenir les conséquences.


 


Des séquences vidéo circulant sur le net montrent des adolescents tunisiens inhalant de la colle. Les images, visiblement filmées par téléphone portable, ne sont pas très nettes. Elles ne sont ni datées ni localisées. Elles auraient pu être enregistrées dans n’importe quelle ville du Maghreb, où le phénomène est assez répandu et souvent d’ailleurs déploré par les médias. Cependant, l’accent des adolescents et l’architecture des bâtiments en arrière-plan ne laissent aucun doute: la scène se déroule bel et bien en Tunisie.

Impact catastrophique sur la santé des jeunes

On pourrait, bien sûr, s’interroger sur les motivations (malsaines) des personnes qui ont filmé ces images aussi crues que cruelles et les ont balancées sur le web, sans aucun respect pour les adolescents qu’ils ont montrés dans des postures dégradantes ni pour les internautes qu’ils ont visiblement cherché à choquer.
Mais, cela dit, on doit aussi admettre que l’addiction des adolescents aux solvants organiques, que ce soit en Tunisie, dans le Maghreb ou ailleurs, est un phénomène assez grave en soi pour que l’on évite d’en parler. Loin d’éluder ce phénomène ou de chercher à en minimise la portée, les autorités sanitaires tunisiennes essayent de l’étudier et de lui apporter les remèdes requis.
Ainsi, le 2 juillet 2009, des médecins et des universitaires, spécialistes en sciences humaines, sociales et juridiques, se sont réuni en séminaire, à Sfax, pour débattre de «la prévention de la dépendance aux solvants organiques chez l’enfant et l’adolescent».
Au cours de ce séminaire, organisé par la très dynamique Association tunisienne de la prévention de la toxicomanie (Atpt), le Dr Radhouane Chakroun, pharmacien toxicologue de l’Institut de la santé et de la sécurité au travail, a présenté les résultats d’une enquête qu’il a réalisée auprès d’un échantillon de 44 jeunes âgés de 11 à 23 ans, tous soupçonnés de pratiquer l’inhalation de colle.
Selon le médecin, l’impact de cette pratique sur la santé des jeunes est catastrophique. Et pour cause : les produits inhalés contiennent des composés pouvant causer la dépression du système nerveux central et un dysfonctionnement cardiaque.
Autre conclusion préoccupante: le nombre des candidats à l’inhalation ne cesse d’augmenter parmi les adolescents et les jeunes. Ce qui a fait dire au Pr M. L. Masmoudi, du Service de médecine du travail de l’hôpital Hédi Chaker de Sfax, que l’inhalation de produits solvants est en passe de devenir en Tunisie «un problème de santé publique».

Que faire ?
Ce problème existe aussi dans l’Algérie voisine, où une étude réalisée au cours l’année scolaire 2007-2008, auprès d’un échantillon de 33.600 élèves, par des spécialistes en psychologie pédagogique de l’Université d’Es-Sénia, à Oran, montre que «25% [de ces élèves] consomment du haschisch, 25% prennent des psychotropes et 50% sniffent de la colle» (‘‘La Voix de l’Oranie’’, 10 décembre 2008).
Quelles sont les réponses à apporter pour endiguer ce phénomène en Tunisie?
Les centres de désintoxication, comme celui d’El Amel, à Djebel El Oust, doivent être mieux outillés pour apporter les soins appropriés aux enfants accros à la colle ou à tout autre solvant.
Les parents et les éducateurs ont aussi un rôle important à jouer, en matière de prévention de ce genre de pratique parmi les plus jeunes, mais aussi d’accompagnement, social et éducatif, de ceux qui y succombent. Car les études montrent une corrélation entre l’addiction des adolescents aux solvants et leur milieu socio-familial, surtout dans les quartiers urbains défavorisés et dans les régions éloignées, où règnent le chômage, la pauvreté et la dysfonction familiale.

Yüsra Mehiri