Le diabète gagne de plus en plus de terrain en Tunisie. Les mutations économiques et le vieillissement de la population ont fait exploser le nombre des Tunisiens atteints par cette pathologie. Des médecins tirent la sonnette d’alarme…


Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre de personnes diabétiques dans le monde devrait exploser d’ici 2030 pour atteindre plus de 370 millions, soit une augmentation de 110% par rapport au nombre de patients recensés en 2000. Les prévisions de l’OMS montrent aussi que les pays en développement devraient compter, à la même date, près de 284 millions de diabétiques.

Cette explosion est due, en fait, aux changements profonds des modes de vie dans le monde entier, qui réduisent de plus en plus l’activité physique des individus et donnent place à des habitudes nutritionnelles favorisant l’émergence et le développement de certaines pathologies.

10% des Tunisiens sont atteints

La Tunisie n’est pas épargnée par le fléau, le diabète y touche déjà un nombre de plus en plus croissant d’habitants et contribue, en plus, à l’explosion d’autres pathologies: cardio-vasculaires, rétinopathies et insuffisance rénale.

D’après une étude de Dr. Nadia Ouamara, directeur médical Novo Nordisk Tunisie, 10% des Tunisiens (touts âges confondus), soit plus que 1,2 millions, sont atteints par la maladie en 2009.

Ce chiffre, dévoilé mercredi soir à Tunis à l’occasion de la cérémonie de remise des Prix Novo Nordisk 2010, reflète une prévalence du diabète supérieure à celle dans d’autres pays arabes (le Maroc: 8,1% ; l’Egypte: 9,3%).

Les pays développés sont aujourd’hui loin au dessous de cette moyenne: 8,7% aux USA, 6,1% en Espagne, 4,5% en Turquie, 2,6% en France etc.

L’étude constate par ailleurs le développement des facteurs favorisant l’expansion de la maladie chez nous. L’alimentation est de plus en plus riche en sucre et graisse, ce qui conduit souvent à une prise de poids jusqu’à l’obésité et un accroissement du risque de diabète.

En plus des charges sanitaires et même sociales, les diabétiques représentent une charge de morbidité considérable. Les études et les recherches effectuées en Tunisie révèlent que plusieurs maladies telles que les «cardiopathies ischémiques», l’«accident vasculaire cérébral» et l’«artérite des membres inférieurs» se développent encore plus chez les diabétiques et manifestent plus de risques comme le cas de l’«Infarctus du myocarde» qui cause le décès de 30% des diabétiques en Tunisie.

Les statistiques du ministère de la Santé publique faisant état de la gravité de cette maladie dénombrent d’autres pathologies liées au diabète, comme la rétinopathie diabétique causant la perte de vue de 12% des adultes diabétiques. Le diabète est aussi à l’origine de l’amputation du membre inférieur chez 10% des diabétiques atteints au niveau de ce membre.

Selon les données d’une enquête nationale, citées par l’étude de Dr. Ouamara, la prévalence globale de l’obésité en Tunisie est supérieure à 10% de la population. Le grand Tunis, le Nord Est, le Centre Est et le Sud Ouest sont les régions tunisiennes où le phénomène est le plus répandu (15% de la population).

Les révélations alarmantes de DiabCare

Le projet DiabCare, soutenu par l’OMS et les professionnels européens du secteur de la recherche médicale, est un vaste programme d’amélioration des soins et une nouvelle approche stratégique du traitement du diabète. C’est un instrument de contrôle et d’évaluation visant l’amélioration continuelle des soins aux diabétiques. La Tunisie est parmi 9 pays africains inclus dans ce projet. 605 patients ont été traités dans 5 centres de soin.

L’étude a révélé que 27,6% des diabétiques tunisiens n’ont jamais été scolarisés (0 année d’éducation), 40% entre 1 et 2 années d’éducation, 19,8 % entre 3 et 4 années et 3,8% ont bénéficié de plus de 5 ans d’éducation.

Autres conclusions de DiabCare: les patients sont massivement non contrôlés et 61% des patients n’ont pas eu un examen des pieds durant les 12 derniers mois.

L’étude précise aussi que la qualité des soins du diabète est «non optimale», d’où l’urgence d’y investir davantage. Il y a aussi décalage entre les recommandations et la prise en charge du diabète de type 2 (DT2) en Tunisie en termes de suivi, même lorsque l’infrastructure médicale est en place et les options thérapeutiques sont disponibles et abordables. DiabCare a appelé à responsabiliser les patients à gérer leur maladie et à inciter à une alimentation saine.

M. T.