Massih fi Tounes

Les Tunisiens de souche convertis au christianisme représentent une infime minorité au sein d’une population globale du pays qui est constituée à plus de 99% de musulmans. Mais ces convertis ne se cachent plus. Ils assument leur foi et, depuis peu, s’organisent…

Depuis un certain temps, des liens apparaissent, de manière assez récurrente, sur des sites web tunisiens et autres, qui redirigent les internautes, curieux ou intéressés, sur un site appelé ‘‘El Massih  Fi Tounes (traduire : Jésus en Tunisie). Il s’agit d’un site web animé par des chrétiens tunisiens convertis. Les prédicateurs, qui cherchent à vulgariser la foi et le culte du Christ, parlent en dialectal tunisien. Dans la rubrique ‘‘Qui sommes-nous ?’’, les animateurs du site se définissent comme suit : «Nous sommes des Tunisiens chrétiens. Nous sommes nés, avons grandi et vivons en Tunisie. Nous aimons notre pays et prions pour lui chaque jour».

Capture d'écran du site El Massih fi Tounes

Ils invitent les visiteurs du site qui seraient intéressés d’entrer en contact avec eux et de remplir un formulaire. Le contact est possible par téléphone  (numéro indiqué : 216.20.06.55.28) ou par Skype (à l’adresse ‘‘Elbichara.com’’). Outre bien sûr l’accès en ligne à toute la littérature religieuse en arabe (Les Evangiles et sources…), le site reproduit des liens qui redirigent les internautes voulant en savoir plus sur la foi du Christ ou les éventuels candidats à la conversion vers des sites de prosélytisme chrétien en arabe comme ‘‘Al-Moûjiza (Miracle Channel), ‘‘Sat 7’’, ‘‘Al-Massih TV’’, ‘‘Qanat Al-Chifa’’ (Healing Channel) ou encore ‘‘Qanat Al-Hayat’’. Le site  propose aussi un forum de discussion, mais seulement pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres. Les animateurs précisent que le site n’est pas conçu pour être un espace de débat. Pour le reste, les internautes ont droit à des vidéos où des convertis tunisiens (Akram, Amani, Hanen…) témoignent de leur découverte du Christ et de leur pratique de la nouvelle religion.

Un sondage d’opinion propose aux visiteurs de répondre à cette question : Est-ce le christianisme interdit le «zina» (relation sexuelle hors du mariage) ?
En Tunisie, les chrétiens seraient aujourd’hui 50 000, soit moins de 0,5% de la population. Ce sont en majorité des expatriés occidentaux ou africains sub-sahariens. Les convertis parmi eux, appartenant pour la plupart à l’église évangélique américaine, représenteraient entre 500 et 1 000. Il n’y a pas de statistiques fiables. Il s’agit, pour la plupart de personnes qui ont découvert le christianisme à travers des lectures, des émissions religieuses à la radio, comme la chaîne en arabe de Radio Monte-Carlo (RMC), ou à la télévision, voire sur des sites web.

Ces Tunisiens, qui ont été touchés par la grâce du message christique, appartiennent à toutes les couches de la société. Peu d’entre eux se font baptiser. Car le processus qui mène au baptême nécessite un long travail sur soi et même des études poussées. La plupart ont souffert de rejet au sein de leur propre famille, par leurs collègues et voisins. Ils ont alors choisi de vivre leur foi en retrait et en petite communauté. Ces convertis ne se cachent plus vraiment, mais ils évitent aussi de trop s’afficher dans la cathédrale de Tunis, préférant se réunir dans les petites églises (comme celle de la rue Charles-de-Gaulle) ou dans les «églises maisons». S’ils ne se reconnaissent dans aucune des communautés chrétiennes traditionnelles et officiellement autorisées en Tunisie (catholique, orthodoxe, protestante et anglicane), ils se proclament dans leur majorité de l’église évangéliste américaine. Celle-ci, la plus active en matière de prosélytisme au Maghreb, a été récemment au centre d’une vaste polémique au Maroc et en Algérie.

Imed Bahri