hammamet
Pour fluidifier la circulation à Hammamet et mettre ainsi en valeur ses atouts touristiques, Dr Salem Sahli propose, dans cette contribution, une série de recommandations, qui méritent que l’on s’y arrête.  


La question de la circulation dans la ville de Hammamet revient, telle une vieille rengaine, à l’approche de chaque saison estivale. La fièvre motorisée de juillet et août, convergeant vers le centre-ville et les nuisances qui en découlent sont perçues comme une fatalité, Hammamet payant ainsi la rançon de son attractivité et de son succès touristique.
Pourtant, il ne tient pas à grand chose d’inverser cette tendance, pour peu que l’on procède de façon rationnelle en commençant par réaliser un diagnostic permettant de mettre en exergue les principaux problèmes et enjeux liés à la question des déplacements dans Hammamet.

Eviter les solutions de toilettage et de colmatage
La municipalité de la ville vient d’élaborer timidement son énième plan de circulation. A quelques détails près, il ressemble étrangement aux précédents. Il ne saurait à notre avis prétendre maîtriser un phénomène intimement lié à un cadre plus général qui est celui de la planification urbaine d’une ville touristique en pleine métamorphose et soumise à de fortes pressions.
Autrement dit, un plan de circulation ne pourrait être efficace que s’il s’inscrit dans un véritable projet de ville intégrant les modes de déplacement, la circulation automobile, les transports collectifs, le stationnement, l’état de la voirie, les aménagements nécessaires…
A défaut de cela, tous ce qui sera entrepris pour apporter des solutions aux problèmes posés par la circulation dans la ville de Hammamet ne sera que toilettage et colmatage.
L’Association d’éducation relative à l’environnement de Hammamet (Aere) n’est pas une association spécialisée dans la thématique de l’urbanisme et encore moins dans celle de la mobilité urbaine. Il n’en demeure pas moins qu’elle a un point de vue sur la question fondé sur des expériences qui nous ont permis d’acquérir une connaissance concrète du territoire hammamétois avec ses atouts et ses faiblesses, ses potentialités et ses contraintes. Et c’est sur la base des éléments diagnostic en notre possession, et compte tenu de la dynamique urbaine propre à la ville de Hammamet que nous proposons une série d’orientations / recommandations susceptibles d’apporter des solutions durables aux problèmes posés par la circulation dans notre ville.

1ère recommandation: soulager le centre-ville du trafic de transit
Cela suppose que l’on puisse faire le tour du centre ville et accéder aux quartiers grâce à des boucles de circulation desservant des parkings tout en absorbant le trafic de transit. Pour ce faire, des aménagements sont nécessaires:
- ronds points aux carrefours ;
- adaptations des rues secondaires (Mongi Slim, Habib Thameur, Hédi Chaker…) afin qu’elles puissent jouer leur rôle de boucles de déviation permettant de libérer le centre ville ;
- réservation foncière pour l’aménagement de parkings modernes. A ce titre il convient de penser à des mesures incitatives visant à impliquer le secteur privé dans l’exécution de ce type de projet

2e recommandation: fluidifier le trafic routier
La réalisation de cet objectif passe par le traitement des points de conflit et des goulots d’étranglement.
Le carrefour de Barraket Essahel est le premier goulot d’étranglement qui entrave la circulation pratiquement jusqu’à Nabeul. Il nous paraît urgent de multiplier les entrées à la ville de Hammamet en mettant à profit la rocade et en aménageant une entrée visible et facilement accessible à Bir Bouregba.
Il convient aussi de dédoubler les avenues du Koweït et des Etats-Unis en deux fois deux voies à l’instar des avenues de la République et de la Libération et de traiter les deux coudes formés par l’avenue du Koweït et l’avenue H. Bourguiba à la gare, et l’avenue H. Bourguiba et l’avenue de la République au centre ville. Ces deux coudes représentent deux sources majeures d’asphyxie du trafic routier en été. Leur suppression requiert quelques mesures foncières, un peu de technicité et beaucoup de courage et de bon sens.

3e recommandation: développer et rationaliser les transports en commun
Pour ce faire, il convient:
- d’améliorer la voie ferrée Hammamet-Nabeul (ligne 10 de la Sncft) de façon à ce qu’elle puisse accueillir un métro urbain ou un tramway avec des navettes fréquentes et des arrêts multiples comme pour le Métro du Sahel ;
- de réaliser une navette maritime reliant la station touristique Yasmine-Hammamet au centre ville. Cette solution exige l’aménagement d’un abri portuaire à Hammamet ;
- de reconsidérer l’itinéraire des trains touristiques, cause importante de l’engorgement du trafic automobile en été. Le tracé nord devrait s’arrêter à l’avenue Assad Ibn Al Fourat et le terminus sud des trains touristiques devrait être le carrefour d’Oued Baten. D’ailleurs l’arrêté municipal interdisant à ces trains l’accès au centre-ville demeure à ce jour inappliqué ;
- de limiter le nombre de taxis circulant à Hammamet. D’après une étude récente, sur les 1.200 taxis qui constituent l’ensemble du parc de taxis du cap-bon, plus des ¾, soit 950, circulent à Hammamet. Il convient par conséquent de revoir les critères d’octroi d’autorisation de travail pour les taxis afin qu’une redistribution plus logique et plus équitable soit opérée à l’échelle du gouvernorat de Nabeul ;
- d’interdire l’accès du centre ville aux bus touristiques, camions, poids lourds et tous les véhicules articulés, et ce, durant les mois de juillet et août.

4e recommandation: établir un plan local de stationnement
L’offre locale de stationnement est d’environ 500 places (360 sur l’ensemble de la voirie et 135 sur et aux environs de la place 7-Novembre). Quant à la demande en été, elle est 6 fois plus importante, soit environ 3.000 places. Afin de répondre à cette forte demande estivale, les places et placettes de la corniche et de l’avenue Assad Ibn Al Fourat doivent être mises à contribution en attendant la réalisation de parkings modernes, objet de notre première recommandation.
5e recommandation: faire évoluer le centre-ville vers plus de qualité
Il faut aménager autrement l’hyper centre de la ville en livrant à la circulation piétonnière, à la déambulation pédestre et aux autres modes doux de déplacement, les espaces jouxtant le fort, les remparts, la médina et le cimetière marin.
Une telle mesure contribuera certainement à la mise en valeur de l’esplanade côtière récemment aménagée. Elle aura aussi et surtout pour effet d’éviter que cet ensemble historique ne devienne un non-lieu, c’est à dire un lieu indifférencié, dépourvu de sa mémoire et de sa puissance symbolique.
En conclusion, l’Aere ne prétend pas, par les recommandations formulées ici, répondre à toutes les attentes, ni toucher l’ensemble de la problématique des déplacements à Hammamet. Les avenues proposées se veulent davantage une modeste contribution à l’élaboration d’un cadre d’intervention permettant à  la ville et ses partenaires d’adhérer à une vision d’ensemble en matière d’aménagement urbain, et de maximiser la cohérence de leurs actions au cours des prochaines années. Saura-t-on relever les défis? L’espoir est permis.