Faouzi Benzarti a donc été «démissionné», hier, de son poste d’entraîneur de l’Espérance de Tunis. L’équipe de Bab Souika a-t-elle pris une bonne décision? On pourrait en douter. Explications…


10e entraîneur remercié depuis le début du championnat de la Ligue 1 de football en Tunisie, Faouzi Benzarti a senti le vent tourner depuis la défaite peu glorieuse de son équipe en finale de la Ligue des Champions africaine face au TP Mazembe.
La rumeur de son imminent limogeage était sur toutes les lèvres, mais la direction de l’Espérance a préféré temporiser et laisser passer la tempête pour, pense-t-elle, ne pas perturber davantage l’équipe au lendemain d’une déroute historique (1-6 sur les deux matchs).

Manque d’engagement et esprit dilettante
Reste que le départ de Benzarti, au-delà des circonstances qui l’ont précipité, règle moins de problèmes qu’il n’en pose. Car, sans minimiser les capacités techniques et les qualités de leadership de Maher Kanzari, son ex-adjoint devenu son successeur, appelé aujourd’hui à prendre les commandes d’une équipe épuisée et en manque de solutions, malgré un effectif pléthorique, cette décision, dont on attend un coup de fouet psychologique salutaire, pourrait avoir, au contraire, des retombées négatives.
Car, cette manière de faire endosser au coach l’incapacité des joueurs à se hisser au niveau requis pourrait avoir pour conséquence de dédouaner ces derniers et de les conforter dans leur manque d’engagement et leur esprit de dilettante.

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Faouzi Benzarti : l’homme qui gueule.

Au moment où les adversaires directs de l’Espérance, notamment l’Etoile du Sahel et le Club africain, retrouvent peu à peu leurs marques, ce changement risque de perturber davantage les repères d’une équipe qui, à deux ou trois éléments près, semble perdre de sa superbe et se résigner dans le colmatage à la petite semaine.
Les dernières sorties de l’Espérance, plus pâles les unes que les autres, malgré des résultats positifs mais étriqués et peu convaincants, sont là pour traduire un malaise profond auquel ne saurait remédier un simple changement d’entraîneur. L’enrichissement de l’effectif par deux ou trois éléments de valeur, à la faveur de prochain Mercato, aurait sans doute donné à Faouzi Benzarti plus de solutions qu’il n’en jamais eu réellement depuis sa prise en main de l’équipe.

Abdelamagid Chettali a vu juste
Car si l’effectif de l’Espérance est pléthorique sur le papier, il n’est pas riche pour autant. Abdelamagid Chettali, qui est loin d’être un néophyte en la matière, l’a d’ailleurs fait remarquer dans ses commentaires du match aller de la Ligue des Champions africaine contre Mazembe : certains joueurs titulaires de l’Espérance sont très moyens et ne méritent pas de figurer dans l’effectif d’une équipe qui veut jouer les premiers rôles en Afrique, a-t-il déclaré sur Al Jazeera Sport. On ne peut pas dire qu’il s’est beaucoup trompé…
Faouzi Benzarti n’est certes pas le messie attendu. C’est un bon coach sans plus. Il a également beaucoup de défauts, dont le plus grave est son manque de modestie et son refus de faire son autocritique. Ses crises de nerfs à répétition sur le banc de touche et ses démêlées avec les arbitres n’ont pas toujours servi son équipe.
Tout cela est juste, mais le problème de l’Espérance, aujourd’hui, pourrait ne pas être son entraîneur. Mais le potentiel même de l’équipe et la qualité intrinsèque des joueurs qui la composent. Preuve des limites de ces derniers: ils ne brillent ni dans leur équipe ni en sélection nationale. Que leurs fans nous pardonnent: les Darragi, Msakni et Korbi, pour ne citer que les vedettes nationales de l’équipe – Eneramo étant, dit-on, sur le départ –, n’ont pas encore apporté la preuve définitive du génie footballistique dont on les crédite. Si c’était le cas, les recruteurs des clubs européens seraient déjà en train de se bousculer au portillon. Sachant qu’on ne juge pas un grand joueur sur ses quelques éclairs intermittents, mais sur la constance et la durée. Et, à ce niveau, les stars de l’Espérance n’ont rien encore démontré. Et il n’est pas sûr qu’ils seront transformés par un coup de baguette magique, que ni Kanzari ni tout autre entraineur ne peut prétendre posséder.  
Tout cela pour dire que le limogeage de Benzarti pourrait ne pas être la solution, mais un problème supplémentaire à régler, lorsque le public de l’Espérance, en cas de résultats mitigés, scandera de nouveau son nom. Le football, on le sait, n’est pas avare en ce genre de retournement de situation.

M. T.