Un Observatoire tunisien de la transition démocratique (Ottd) vient d’être créé, dont le président d’honneur est Abdelkader Zeghal.


Il s’agit d’une institution de recherches ayant la forme d’une association légale de droit tunisien à but non lucratif et à caractère scientifique. Son bureau provisoire est essentiellement constitué d’enseignants universitaires qui ont décidé de contribuer à la transition démocratique en mettant leur savoir en phase avec l’actualité.
L’Observatoire n’envisage cependant pas de participer à la vie politique par des prises de position événementielles ou des actions militantes. Il se donne trois missions:
- observer, analyser et suivre la vie politique durant la période transitoire;
- organiser des séminaires sur les thèmes d’actualité et des stages de formation et d’éducation civique à l’intention des acteurs de la société civile;
- s’associer à des initiatives d’encadrement de la vie sociétale avec les partenaires de la société civile
Dans le cadre de sa première mission, l’Observatoire a mis en place une équipe d’une trentaine de chercheurs afin de faire le suivi de la transition démocratique. Ils appartiennent aux diverses catégories socioprofessionnelles conformément à l’esprit animant l’Observatoire, qui est de mettre l’université en phase avec la société civile. Le point de départ de cette recherche est le constat affligeant que les élites tunisiennes agissent beaucoup, parlent sans arrêt, mais écrivent peu. L’essentiel du savoir académique étant jusque-là produit par des non-Tunisiens. Le projet de l’Observatoire n’est toutefois pas de sanctuariser la recherche, ni de rivaliser avec qui que ce soit. Il s’agit surtout de faire en sorte que les Tunisiens produisent aussi du savoir sur leur propre histoire au présent.
A cette fin, l’Observatoire a conçu un projet collectif de recherches au croisement de deux axes centraux: les acteurs et les thématiques.
S’agissant des acteurs, il est matériellement impossible de suivre la totalité des acteurs dont la plupart sont des tard-venus, sans poids réel dans la vie politique.  L’Observatoire a pris le parti de suivre aussi bien les acteurs «traditionnels» (pré-14 janvier), que certains «nouveaux» acteurs (post-14 janvier) dont le poids s’est révélé important dans l’équation politique, sans omettre de consacrer une étude sur le profil des partis post-14 janvier. Les acteurs sont classés en partis politiques ou en bloc de formations, par associations ou par catégories socioprofessionnelles. Il est question d’analyser au quotidien les positions des acteurs, leurs programmes, leurs stratégies, et d’évaluer leurs poids social et électoral.  
Concernant les thématiques, la transition s’est accompagnée de débats qu’il est également impossible de cerner d’une manière systématique (religieux, éthiques, politiques et économiques). Certaines sont examinées d’une manière transversale par les recherches portant sur les acteurs. D’autres sont plutôt générales. Au demeurant, trois ordres de  questions méritent un traitement différencié.  
- Les problèmes  de transformation du régime. Il s’agit d’une part, d’un passé à apurer notamment à travers le sort réservé au staff autoritaire de l’ancien régime (du ressort du gouvernement intérimaire), aux responsables et agents d’ordre public impliqués dans des meurtres (la commission des dépassements sécuritaires) et aux personnes impliquées dans l’enrichissement illicite (la commission d’investigation sur la corruption). D’autre part, il y a la mise en place d’un dispositif légal de la transition (la commission de la réforme politique).
- Les problèmes contextuels hérités de la période précédente ou générés par la transition. Il s’agit d’analyser l’économie de la transition, les problèmes de l’inégalité sociale, de l’immigration, de la pauvreté, de la paysannerie, du rapport aux  médias, de la diplomatie de la transition, etc.
- Les questions de valeurs: la démocratie et l’égalité entre hommes et femmes, l’islam et l’Etat, la liberté de pensée, etc.  
Le succès de la transition dépend certes de la manière avec laquelle ces questions seront traitées et résolues. Mais, elles doivent être aussi pensées. Ceci exige d’abord un travail de terrain (enquêtes, interviews, statistiques, etc.), dont le but est de disposer d’une information crédible afin de comprendre et d’expliquer les événements et de prédire, éventuellement, le succès ou l’échec de l’expérience démocratique. La démocratisation, encore fragile, affronte en effet trois dangers à courts termes.
- Le retour de l’autoritarisme sous la forme d’une dictature personnelle, partisane ou policière.
- L’apparition de nouveaux mouvements anti-démocratiques qui surenchérissent sur la démocratie naissante sans encourir le risque d’être réprimés comme par le passé.
- L’arrogance de l’exécutif élu qu’on appelle des «caudillos consentis» qui prétextent d’être élus pour instaurer un néo- autoritarisme.
L’ensemble des recherches empiriques analysent l’avancée démocratique, évaluent les  risques et ouvrent des perspectives d’avenir. L’observatoire compte mettre à la disposition du public l’état des lieux de la transition un mois avant l’échéance électorale (fixée au 23 octobre 2011).