Dans le communiqué, le ministère de l’Intérieur rappelle aux médias audio-visuels et à la presse écrite «la nécessité de respecter les principes de la déontologie journalistique, qui exige la vérification avant publication de la véracité des informations, notamment celles relatives à la vie privée et à la sécurité du pays.»
Un haut fonctionnaire de la sécurité trop loquace
Quant au haut fonctionnaire arrêté, Samir Feriani, il s’est illustré par la publication, la semaine écoulée, de lettres dans certains journaux dénonçant de graves «dysfonctionnements» au sein du ministère de l’Intérieur et en révélant de sales opérations menées par les services de sécurité sous-Ben Ali.
Ceci explique-t-il cela? La concomitance des deux faits ne laisse aucun doute. Le ministère de l’Intérieur ne supporte plus les accusations et les dénonciations, parfois nominatives, dont font désormais l’objet les agents de la sécurité dans les médias.
Kapitalis reproduit ici les faits tels que rapportés par l’agence AP, en attendant d’en savoir plus sur les dessous de ce qu’on peut désormais appeler «l’affaire Samir Feriani» :
Un haut fonctionnaire de la police, Samir Feriani, a été interpellé dimanche sur la voie publique par «des collègues du ministère de l’Intérieur» après avoir dénoncé par voie de presse de «graves dysfonctionnements» au sein du département, a-t-on appris lundi auprès de son épouse Leïla.
Selon sa femme, «il était sorti tôt le matin dimanche pour acheter des cadeaux à l’occasion de la fête des mères, quand une voiture ayant à bord quatre personnes l’a percuté, l’obligeant à s’arrêter. Trois d’entre eux l’ont enlevé et conduit à la caserne militaire d’El Aouina (à Tunis) sans aucune explication et le quatrième a pris sa voiture».
«Nous sommes restés sans nouvelles de Samir jusqu’au soir, quand nous avons appris par nos propres moyens qu’il a été arrêté», a ajouté Mme Feriani jointe au téléphone par l’Associated Press.
Selon cette dernière, les «collègues» qui l’ont enlevé sont des agents de la lutte antiterroriste. Ils faisaient partie du corps de la sûreté de l’Etat ou police politique, récemment dissout.
«Ce n’est que lundi matin vers 7h10 que j’ai été informée que mon mari était en état d’arrestation et que je pouvais le voir à la caserne d’El Aouina», a encore relaté Mme Feriani qui s’est élevée contre «la méthode arbitraire» avec laquelle son époux a été arrêté.
«C’est une opération planifiée, d’autant que son bureau a fait l’objet d’une effraction dimanche à la mi-journée et des documents y ont été dérobés», a-t-elle accusé en se référant à des témoignages de «collègues». Elle a précisé qu’«aucune accusation ne lui (a) été signifiée». «On ne sait pas quand il sera libéré et surtout de quoi il est coupable».
La semaine écoulée, ce haut fonctionnaire de la sécurité avait publié dans le journal ‘‘L'Expert’’ deux lettres dans lesquelles il dénonçait de graves «dysfonctionnements» au sein du ministère. Il faisait notamment état de «la nomination à des postes sensibles au ministère de l’Intérieur de personnes impliquées dans des crimes à Kasserine (centre-ouest), avec preuves à l’appui».
Selon le directeur de la publication, Abdellatif Ben Hdia, Samir Feriani a contacté ‘‘L'Expert’’ il y a deux semaines «pour attirer l’attention du grand public sur les dysfonctionnements au sein du ministère et la lenteur des procédures à l’encontre des policiers coupables».
Une troisième lettre n'a pas pu être publiée en raison de «pressions» exercées sur l’imprimeur.
Intervenant sur la radio privée Chems FM, le responsable du journal a déclaré «craindre un retour des anciennes pratiques du ministère de l’Intérieur».
Destruction d’archives du département de l’Intérieur?
Par ailleurs, l’hebdomadaire ‘‘L’Audace’’ fait état d’une lettre adressée le 12 mai par Samir Feriani au ministre de l’Intérieur lui demandant d’ouvrir une enquête sur la destruction «sur instructions» de responsables sécuritaires d’archives de ce département.
La missive disait enquêter sur les archives de l’Organisation de libération de la Palestine (Olp) «impliquant clairement (l’ancien président Zine El Abidine) Ben Ali avec le Mossad israélien». Fuyant le siège de Beyrouth par l’armée israélienne, l’OLP s’était établie en Tunisie de 1982 à 1994.
Dans cette lettre, il demandait en outre «des rapports précis sur les opérations sales commanditées par les services tunisiens», citant notamment la tentative de meurtre du journaliste français de ‘‘Libération’’, Christophe Boltanski, le 12 novembre 2005 sur ordre de Ben Ali.
Contactée par l’AP, une source du ministère de l’Intérieur a nié la thèse de l’enlèvement, avançant que le prévenu a été arrêté sur réquisition du tribunal militaire.
«Après la réception de la lettre adressée au ministre de l’Intérieur qui contenait de graves accusations, Samir Feriani a été convoqué à l’inspection du ministère qui après son audition, a transféré l’affaire au tribunal militaire», a expliqué la source sécuritaire qui a requis l’anonymat.