Gouvernement Habib Essid Banniere

En attendant que Habib Essid fasse le bilan de son équipe, des voix n'ont pas raté le rendez-vous du 100e jour pour critiquer un gouvernement qui hésite à faire bouger les choses.

Par Marwan Chahla

En charge des affaires du pays depuis le 6 février dernier, le gouvernement du Premier ministre Habib Essid tarde à convaincre qu'il est uni et solidaire, qu'il maîtrise ses dossiers, qu'il possède une vision, des objectifs et une stratégie et une démarche clairs et qu'il est mu par une réelle détermination à prendre les décisions qui s'imposent et à les mettre à exécution au plus vite.

Un bon point pour la sécurité... mais encore

Toutes ces incertitudes ainsi exprimées, et bien d'autres encore, peuvent parfois faire oublier les points précieux marqués sur le terrain de la lutte contre le terrorisme.

Le verdict du «oui-mais» quasi-unanime rappelle avec insistance qu'il n'y a pas, dans cette équipe gouvernementale de M. Essid, que les ministères de l'Intérieur et de la Défense auxquels des missions ont été assignées.

Le gouvernement Essid comprend une trentaine de ministres et de secrétaires d'Etat, regroupe quatre formations politiques importantes et des personnalités indépendantes et bénéficiait, au départ, d'un capital-confiance qui était loin d'être négligeable – et sur lequel auraient pu être construits les meilleurs sauvetages, redémarrages et relances du pays.

Sans avoir à écouter l'avis des cassandres professionnels ou d'une opposition qui n'a de discours que celui du niet provocateur et obstructionniste, la copie des 100 premiers du gouvernement d'Essid inspire peu, très peu, de satisfaction.

Le député d'Ennahdha à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) Samir Dilou, dirigeant islamiste le plus diplomate devant l'Eternel, arrondit les angles en déclarant qu'«il est possible de résumer mon appréciation du travail accompli par le gouvernement Essid (durant les 100 premiers jours de son mandat) en disant qu'il y a eu des efforts qui ont été faits, mais que les circonstances sont difficiles. Il y avait des affaires brûlantes et des choix douloureux à faire. De manière générale, je crois être mesure de dire que cette équipe aurait pu mieux faire...»

L'économiste Moez Joudi, tranchant comme à l'accoutumée, appelle la piètre performance du gouvernement Essid par son nom. Selon lui, «M. Essid et certains membres de son équipe, en charge des dossiers économiques et financiers, ont établi les diagnostics et fait l'état des lieux. Tous ces constats sont importants à faire, car ils permettent d'identifier avec précision la situation, l'étendue et l'acuité de la crise économique. C'est ainsi que les solutions peuvent être élaborées. Durant les 4 dernières années, certains prédécesseurs de M. Essid n'ont pas eu l'audace, ni l'honnêteté, de reconnaître que nous faisons face à une situation grave. Cependant, le réalisme de ce constat (fait par l'actuel gouvernement) ne saurait suffire à lui seul. A présent, il faut agir, et très vite», insiste-t-il.

CP de Habib Essid

Vendredi 15 mai 2015: le chef du gouvernement annonce la reprise de la production au bassin minier de Gafsa.

Mais c'est l'économie, bien évidemment!

Pour Moez Joudi, la timidité du gouvernement Essid est impardonnable, car le sauvetage du pays a pris trop de retard. Il cite en exemple le dossier de ce que l'on appelle communément «le marché parallèle», qu'il qualifie de «monstre». «Il y a des décisions urgentes à prendre face aux dégâts causés par ce phénomène du marché noir et de la contrebande. Combien de temps faudra-t-il attendre encore pour prendre enfin ce taureau par les cornes? C'est à se demander s'il existe réellement une volonté pour sauver le pays», déplore-t-il.

Pour le commun des Tunisiens, qui a du mal à digérer tous les chiffres et les statistiques que débitent à longueur de journée les politiciens de tous bords et les experts en tous genres, la réalité de son quotidien – chez lui, dans sa rue, dans sa ville et partout dans le pays – en dit long sur cette révolution qui refuse obstinément de donner raison à ceux qui veulent toujours croire en elle.

Certes, la révolution du 14 janvier 2011 nous a débarrassé de la dictature de Ben Ali, nous a donné le droit à la libre expression, à la pensée affranchie et à «la meilleure constitution au monde», il nous a permis de tenir des élections libres et indépendantes, nous a donné l'occasion, en début d'année, de former un gouvernement avec un large consensus pour assurer le salut de la nation, pour travailler et arracher le pays à la crise... mais, pour ce qui est du vécu de tous les jours, du plus simple fait quotidien jusqu'au plus complexe des aspects de la vie, tout semble échapper à notre contrôle, à nous-mêmes, à «nos élites», à nos élus et à notre gouvernement.

Où est-ce que le citoyen «ordinaire» pourrait-il donner de la tête, face à toutes interrogations, face à toutes ces attentes, qui restent sans réponse?

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