Khawla Ben Aicha et Mohamed Ghannem

L'absentéisme chronique des députés expatriés relevé par l'association Al-Bawsala pose problème. Faut-il réaménager la loi pour leur accorder un statut spécial?

Par Marwan Chahla

La fiche de présence de certains députés du peuple n'est pas reluisante. Il y a même des représentants de nos compatriotes de l'étranger dont le compteur a affiché «zéro» au mois de mars dernier. Nos parlementaires «expats» répondent que leur situation est particulière. Pour Al-Bawsala, une absence de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) reste une absence, un manquement. Il y a donc débat...

L'absentéisme des députés est moralement incorrecte

Ainsi, deux conceptions du rôle de député s'affrontent. Il y a cette vision d'Al-Bawsala, une association civile à but non-lucratif dont la tâche première consiste à tenir les électeurs au courant de ce que leurs représentants au Bardo font ou ne font pas. En somme, il s'agit d'une courroie de transmission entre le peuple et ses élus.

Souvenons-nous que cette supervision d'Al-Bawsala s'est révélée d'une grande utilité durant le mandat de l'Assemblée nationale constituante (ANC), que nombre de nos constituants ont été épinglés à plusieurs reprises pour leurs absences et autres écarts. D'ailleurs, ces parlementaires fautifs de l'ANC ne s'en étaient jamais remis et, pourrions-nous même conclure, ils en ont même perdu leurs sièges de députés. C'était, dans une certaine mesure, sur cette base que, le 26 octobre dernier, les électeurs tunisiens ont voté pour ou contre les candidats à l'Assemblée.

Khawla Ben Aicha

Khaoula Ben Aïcha.

A cette vision d'Al-Bawsala s'oppose celle de certains de nos représentants. Ces derniers jours, le conflit a notamment éclaté entre Al-Bawsala et deux députés, Khawla Ben Aïcha, de Nidaa Tounes, et Mohamed Ghannem, pour Afek Tounes – tous deux représentants de nos compatriotes expatriés.

Des députés tout-à-fait particuliers

Souhaitons que nous ne trahissons pas le point de vue de nos 2 élus «expats» concernés, en disant que les arguments qu'ils ont présentés pour défendre leur cas – et justifier leur absence plus que répétée – consistent à expliquer que, à plus d'un titre, leur mandat de représentants du peuple a un caractère tout-à-fait particulier.

Tout d'abord, nous disent-ils, il y a le facteur de l'éloignement du territoire national. Il serait difficile, semble-t-il, pour nos 2 élus de réagir à temps à un SMS envoyé par le Palais du Bardo les convoquant à une séance plénière, par exemple. Comment peuvent-ils, dès la réception de ce message, plier bagages, prendre le train et l'avion et être au rendez-vous pour prendre part aux travaux de la séance désignée? Satisfaire pareille obligation de présence instantanée est quasiment impossible en raison de la distance, des engagements personnels et professionnels de Khaoula Ben Aïcha et Mohamed Ghannem.

Leur mandat tient également son caractère exceptionnel du fait que leur devoir de proximité des électeurs de leur circonscription de France-Nord leur dicte de sillonner un territoire «plusieurs fois plus grand que la Tunisie toute entière», selon Mohamed Ghannem. Cette écoute constante et ce contact direct avec les électeurs expatriés impliquent une dépense de temps et d'énergie bien plus grande que celle de leurs collègues résidant en Tunisie.

D'ailleurs, nos deux députés «expats» ne manquent pas l'occasion de nous expliquer que le détail de leurs dépenses matérielles n'est pas, non plus, négligeable: se déplacer d'un bout à l'autre d'une vaste circonscription pour aller à la rencontre de nos compatriotes de l'étranger est coûteux, très coûteux. D'où la double nécessité, pour eux, de poursuivre une carrière professionnelle hors du pays et de réduire le nombre de leurs déplacements en Tunisie – afin de pouvoir joindre les deux bouts...

Mohamed Ghannem

Mohamed Ghannem.

Il est vrai qu'un mandat de député expatrié peut être différent de celui d'un représentant du peuple résidant en Tunisie. Ce qui les unit, par contre, c'est que l'un comme l'autre ont fait campagne, ont été sur le terrain, qu'ils sondé l'opinion de leurs électeurs et leurs préoccupations, proposé des programmes et des solutions qui leur ont valu la victoire. Pendant la durée de leur mandat de cinq années, c'est au Bardo que le plus clair de leur temps devrait être passé, à défendre leurs points de vue, à faire entendre la voix de leurs électeurs et à veiller à ce que leurs promesses se réalisent.

Tout le reste importe peu. Un député, d'où qu'il vienne, est un représentant de ses concitoyens. Une circonscription, où qu'elle soit, demeure un découpage électoral et administratif. Et une absence des travaux parlementaires restera toujours un choix fait par l'élu de ne pas assister.

Et puis, ces chers députés, en présentant leur candidature, connaissaient les règles et les engagements qu'ils prenaient. Difficile d'admettre qu'ils ne les respectent pas aujourd'hui quel que soit le prétexte évoqué.

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