Manifestants à la place Mohamed Ali banniere

Dans une Tunisie qui dépense plus qu'elle ne produit et emprunte à l'extérieur pour nourrir ses enfants, l'actualité n'est pas au redressement économique mais aux... grèves.

Par Ridha Kéfi

Après les grèves des enseignants du secondaire, du primaire et du supérieur, des huissiers, des agents de l'Office national de télédiffusion (ONT) et des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, prévue les 23 et 24 avril courant, ce sera au tour des agents du ministère de la Santé de débrayer les 28 et 29 avril, et le mouvement ne va sans doute pas s'arrêter là...

Avec la paralysie des activités d'extraction du phosphate dans le bassin minier de Gafsa, cela devient presque anecdotique, tant les grèves se suivent et se ressemblent, et tournent toutes autour des mêmes revendications: des augmentations salariales. C'en est presque honteux, puisque tout ce beau monde tente de profiter de ce qu'il considère comme un affaiblissement de l'Etat, qui fait face à d'innombrables pressions et cède à chaque fois un peu plus, pour arracher de nouveaux avantages.

L'égoïsme individuel et l'esprit corporatiste expliquent cette propension des syndicats à privilégier les bras-de-fer et les surenchères dont les citoyens commencent réellement à se lasser.

Face à cette situation, aucun homme politique, ni le président de la république  (que fait-il celui-là avec sa pléthore de conseillers, à part les voyages d'apparat à l'étranger entourés de journalistes courtisans comme au bon vieux temps de Ben Ali?), ni le chef du gouvernement (dénué de tout charisme), ni aucun ministre, ou député ou chef de parti (tous calculateurs et obnubilés par les prochaines échéances électorales) ne s'est montré suffisamment courageux pour parler aux grévistes, les raisonner et leur expliquer que la situation dans le pays – notamment sur les plans sécuritaire et financier – exige de mettre les intérêts individuels et corporatistes au second plan et d'aider, par des sacrifices s'il le faut, la Tunisie à sortir de la mauvaise passe où elle se trouve depuis la révolution de janvier 2011, parce que ses enfants produisent moins qu'ils ne consomment. Et croient pouvoir continuer à la dépouiller, comme on traie une vache... qui n'a même plus de lait.

Au rythme où le pays est en train de manger son blé en herbe, il y a fort à parier que nous allons tous, employeurs et employés, gouvernants et gouvernés, islamistes et laïcs, libéraux et anticapitalistes, aux devants de graves crises. Et ce ne sont pas les quelques dizaines de dinars que nous aurions arrachés (ou cédés) dans de banales négociations salariales qui nous aideront à les surmonter.

A bons entendeurs...

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