Habib Essid Rached Ghannouchi Banniere

La rumeur qu'Ennahdha héritera de quelques portefeuilles dans le gouvernement d'Habib Essid se confirme chaque jour encore plus.

Par Marwan Chahla

Le nombre et la nature des ministères qui seraient accordés à Ennahdha restent toujours à déterminer... mais la participation nahdhaouie au premier gouvernement de la Deuxième République de Tunisie semble presqu'assurée. C'est, en tout cas, ce que le parti islamiste cherche à faire accréditer dans l'opinion, par le biais de déclarations dosées de ses dirigeants, sans que les premiers intéressés, le parti Nidaa Tounes et le Premier ministre désigné Habib Essid n'apportent le moindre démenti.

Selon certaines sources, il n'y aurait pratiquement plus aucun doute sur la participation de ministres nahdhaouis. Il ne resterait plus que quelques détails à régler et M. Essid devrait annoncer, dans les jours à venir, cette nouvelle que justifierait «la conjoncture très difficile que traverse le pays».

De fait, la crise est à son comble et les possibilités – et les chances – pour Nidaa Tounes de pouvoir diriger seul les affaires du pays sont très minimes. Jamais, ou en de très rares occasions durant les quatre dernières années, la Tunisie n'a connu une si dangereuse incertitude et une paralysie aussi profonde...

Les demi-mots, les mots couverts et les non-dits cachent mal cette vérité élémentaire que le prochain gouvernement tunisien – qu'il s'appelle d'union nationale ou de salut national – comprendra des ministres islamistes.

Montplaisir est devenu, depuis les élections de la Constituante le 23 octobre 2011, tout à fait incontournable. La défaite des islamistes aux législatives du 26 octobre 2014 n'y a pas changé grand-chose puisqu'Ennahdha occupe la solide position de 2e formation politique siégeant à la nouvelle Chambre des représentants du peuple (ARP). Et c'est cette instance législative qui, désormais, fera la pluie et le beau temps en Tunisie.

Dans sa quête du consensus, le chef du gouvernement désigné ne pouvait donc ignorer le paramètre nahdhaoui – même s'il a été choisi par la majorité parlementaire nidaïste.

Mercredi 14 janvier 2015, pour la seconde fois depuis sa désignation, M. Essid a rencontré le président d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, qui était accompagné d'Ali Larayedh, secrétaire général du mouvement islamiste, et Fathi Ayadi, président de son Conseil de la Choura.

Précautionneux et calculateurs, comme à l'accoutumée, les islamistes préfèrent procéder lentement et temporiser, car il n'y a pas lieu, pour eux, de se précipiter...

Pour le porte-parole d'Ennahdha, Zied Ladhari, «il n'y a toujours pas eu d'accord sur les noms des membres d'Ennahdha qui feront partie de la prochaine équipe gouvernementale. La deuxième rencontre (du mercredi 14 janvier, Ndlr) avec M. Essid a été fructueuse et les consultations vont devoir se poursuivre. Nous nous concerterons au sein de notre mouvement et nous aurons l'occasion de rencontrer de nouveau le Premier ministre désigné. Pour l'instant, il reste prématuré de donner les noms des personnalités (d'Ennahdha, Ndlr) qui participeront au prochain gouvernement. Nous n'en sommes qu'au début de ces échanges de vues pour pouvoir évoquer dans les détails la teneur de ces consultations».

Cette nouvelle confirmation qu'Ennahdha prendra part au prochain gouvernement n'est pas une surprise. A plusieurs reprises, les dirigeants islamistes ont dit et répété qu'ils ne souhaitaient pas que leur parti assiste en spectateur alors d'autres dirigeront les affaires du pays. Ils ont dit et répété, aussi, qu'ils souhaitaient mettre à contribution leurs «compétences» au service du sauvetage de la Tunisie.

Les dirigeants de Nidaa Tounes ont, eux également, laissé entendre que «les choses» ne se feront pas sans les Nahdhouis: cette idée d'équipe gouvernementale «consensuelle» a, par exemple, été un maître-mot des campagnes nidaïstes pour les législatives et la présidentielle d'octobre et de décembre derniers.

Que l'on ne s'étonne pas, donc, que les Nahdhouis puissent revenir au pouvoir «par la fenêtre»... Ils n'ont pas dit leur dernier mot et ils ne le diront pas de sitôt.

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