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En élisant Caïd Essebsi à la présidence de leur 2e République, les Tunisiens ont définitivement tourné la page des dévoiements, de l'incompétence et de la régression.

Par Moncef Dhambri

La cause de la première présidentielle libre de l'histoire de la Tunisie a donc été entendue. Et c'est tant mieux. La Tunisie respire enfin. La Révolution du 14 janvier, qui a retenu son souffle pendant 4 longues années, vient de dire son dernier mot et opter résolument pour un nouveau départ.

Ennahdha réduit à sa juste proportion

L'on a peut-être excessivement spéculé, entre les deux tours de la présidentielle, sur le comportement des électeurs, sur leur manque d'expérience, sur leur maturité ou leur immaturité, sur les consignes de vote que leur donneront les directions de partis et sur la manière dont les reports de voix allaient se traduire dans les urnes.

C'était peine perdue, en définitive: depuis le jour où, en juin 2012, la décision de former Nidaa Tounes a été prise, une correction de la trajectoire post-révolutionnaire s'était opérée et le paysage politique tunisien allait emprunter inexorablement la voie, tant souhaitée et tant revendiquée par Béji Caïd Essebsi (BCE), du rééquilibrage.

Aujourd'hui, c'est chose faite: le parti islamiste Ennahdha, avec les législatives du 26 octobre dernier, a été réduit à sa juste proportion et ses alliés d'Ettakatol et du Congrès pour la République (CpR), qui ont succombé à la tentation de l'alliance avec lesislamistes, ont été soit complètement éliminés (pour le parti de Mustapha Ben Jaâfar) ou vont devoir à l'avenir se contenter de jouer un rôle de lointain second plan (pour la formation de Moncef Marzouki).

Désormais, en lieu et place d'un chef de gouvernement nahdhaoui, nous aurons un Premier ministre qui sera choisi par le parti de Nidaa Tounes. En lieu et place du président ettakatoliste de l'Assemblée nationale constituante (ANC), nous avons le nidaaïste Mohamed Ennaceur qui présidera les débats de la nouvelle Assemblée des représentants du peuple (ARP). Et, en lieu et place du déjà ex-président provisoire Moncef Marzouki, les électeurs ont décidé d'accorder à Béji Caïd Essebsi un mandat présidentiel de cinq années.

A présent donc, les doutes sont dissipés et les hésitations n'ont plus lieu d'être: Nidaa Tounes a raflé, d'une manière convaincante, les mises législative et présidentielle. Le parti de BCE s'est adjugé, en l'espace de deux courts mois (à l'occasion des élections législatives du 26 octobre et du deuxième tour de la présidentielle du 21 décembre 2014), les pouvoirs législatif et exécutif.

Armé d'une pareille majorité, Nidaa Tounes pourra se mettre au travail, remettre tout le pays au travail et redonner raison à tous ceux qui, parmi les Tunisiens et à l'extérieur, ont cru que la Tunisie pouvait réussir là où tous les autres soulèvements du Printemps arabe ont échoué.

Caid-Essebsi--Mohamed-Ennaceur

Béji Caïd Essebsi, président de la République, et Mohamed Ennaceur, président de l'Assemblée des représentants du peuple: le Premier ministre sera-t-il aussi nidaïste?

Beaucoup reste à faire

Il y a donc bel et bien une exception tunisienne... Des femmes et des hommes tunisiens n'ont jamais baissé les bras devant les hégémonismes nahdhaouis, devant les contretemps, les violences terroristes et tous les contre-révolutionnaires.

Le parcours des quatre dernières années a certes été laborieux, désespérant et risqué, mais la conviction et la détermination des forces de la tolérance, de l'ouverture, du progrès et de la modernité ont été si mobilisatrices que le pays peut, aujourd'hui, prétendre qu'il a, malgré tous les retards enregistrés et toutes les pertes encourues, réussi dans une très large mesure son pari de la transition démocratique.

Une première manche de cette dure épreuve de l'alternance s'est donc achevée sur cette bonne note du dimanche 21 décembre. Une nouvelle partie, indéniablement plus ardue, commence dès à présent. Car, désormais, il s'agira de concrétiser.

En faisant ainsi confiance à Nidaa Tounes et en lui accordant pareille totalité des pouvoirs, le peuple tunisien revendiquera, très certainement avec beaucoup d'insistance, que toutes les promesses faites par le parti de BCE, lors de ses campagnes législative et présidentielle, soient mises en œuvre. Ceux qui ont voté pour Nidaa Tounes et contre Ennahdha et ses alliés s'attendent aujourd'hui à ce que M. Caïd Essebsi et les siens trouvent très vite les solutions aux nombreux problèmes hérités de l'ancien régime et à toutes les crises que le pays a connues, depuis la fuite de Ben Ali, et qui n'ont jamais cessé de s'aggraver, avec la prise en main des affaires par les islamistes d'Ennahdha.

Conscient de la nature sisyphéenne de cette mission, BCE et les dirigeants de Nidaa Tounes n'ont eu de cesse de répéter qu'ils ne gouverneront pas seuls et qu'ils tenteront d'associer à cette tâche de sauvetage du pays toutes les bonnes volontés et toutes les compétences capables de contribuer au nouveau départ.

La réussite dans la direction des affaires du pays dépendra, pendant les cinq années à venir, de l'art que les Nidaaïstes posséderont – ou ne posséderont pas – de convaincre le nombre le plus important de Tunisiens que, même si leurs attentes ont été trop longtemps reportées, ils devront patienter encore un peu plus. Les disparités entre les régions, la très faible croissance économique, le chômage endémique et les autres tares et retards dont souffre la Tunisie ne seront pas résolus du jour au lendemain.

Une révolution se paye. Une démocratie se mérite. La dignité d'un peuple et l'instauration de la justice ont, elles aussi, un prix élevé.

Les bons choix électoraux que la Tunisie a faits les 26 octobre et 21 décembre 2014 représentent sans nul doute un pas dans la meilleure direction.

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