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Au nom de la lutte contre «la normalisation» avec Israël, on veut troubler la fête des Tunisiens de confession juive, saboter la saison touristique et mettre en échec le gouvernement Jomaa.

Par Imed Bahri

L'affaire sent la manipulation de l'opinion à plein nez. A quelques jours du pèlerinage juif de la synagogue de la Ghriba dans l'île de Djerba, une pétition signée par quelque 80 membres de l'Assemblée nationale constituante (ANC), exige que la ministre du Tourisme et le secrétaire d'Etat à la Sûreté intérieure soient convoqués pour «questionnement» sur la base d'une rumeur qui veut que quelques touristes de nationalité israélienne aient été autorisés à fouler le sol national.

Hypocrisie et opportunisme

Le comble de l'hypocrisie et de l'opportunisme, car ces mêmes députés n'avaient pas bougé le petit doigt lorsque le gouvernement de Hamadi Jebali et Ali Larayedh avaient laissé entrer, pour la même fête de la Ghriba, des personnes de la même nationalité.

Cela se passait à travers notre consulat dans un pays européen et sous la supervision des ministres de l'Intérieur de l'époque, dont un est toujours en exercice et qui curieusement a été épargné par nos pétitionnaires très à cheval en apparence sur les principes.

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«Laissons de côté, s’il vous plaît, toutes ces histoires, ces prétendues grandes causes», a lancé Mehdi Jomaa, hier, en marge de la préparation de la conférence économique nationale.

Au nom de la lutte contre «la normalisation» avec l'ennemi sioniste, on veut troubler la fête de nos citoyens de confession juive et saboter la saison touristique. Mehdi Jomaa a averti sans détours ceux qui jouent avec le feu: ils doivent assumer l'échec de la saison touristique, car, poursuit-il avec beaucoup de naïveté politique, la réussite de la saison dépend de la réussite de la saison de la Ghriba. Il n'a évidemment pas expliqué pourquoi!

Une de ces nouvelles venues à la politique s'était étonnée car elle ne voit pas de rapport. Le pire c'est qu'elle était sincère! Beaucoup de ceux qui se sont jetés dans la politique ont étés formés par la lecture des tabloïds populistes ou par les commentaires sur Facebook. On ne peut donc s'étonner qu'ils aient du mal à comprendre certaines évidences.

Les Tunisois des années soixante, qui habitaient près de la place Al-Qallaline, à 100 de la place Bab Souika, se souviennent de l'attroupement provoqué par le rassemblement des juifs non tunisiens pour la plupart en attente des bus qui les emmèneront à Djerba faire leur pèlerinage à la Ghriba. L'on savait, depuis, qu'il y en avait qui étaient israéliens. Même s'il y avait déjà un aéroport dans l'ile, c'est par voie terrestre qu'ils partaient.

Cela a continué après la guerre de 1967 et depuis cela ne s'est jamais arrêté, car l'Etat tunisien avait compris la partie qu'on pouvait en tirer sur le plan touristique. Mais l'Etat tunisien n'a jamais reconnu Israël et les passeports israéliens ont toujours étés refusés à nos frontières.

Autre chose, pendant toute la période où le siège de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) était à Tunis, sous Bourguiba ou sous Ben Ali, des Israéliens, en contact avec les leaders palestiniens, et notamment Yasser Arafat ou Abou Mazen, traversaient nos frontières sans ambages, toujours sous l'œil vigilant des services de sécurité.

Mais la chose la plus importante que nos apprentis politiciens ignorent ou feignent de l'ignorer c'est qu'une grande partie des patrons des tours opérateurs sont des Israéliens ou des juifs pro-israéliens. Un secret de polichinelle! Ils avaient toujours soutenu la destination Tunisie. Les professionnels du tourisme le savent. Ça n'a jamais eu une quelconque influence sur la politique étrangère de notre pays, encore moins sur notre indéfectible soutien de la cause palestinienne.

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Le président provisoire de la république Moncef Marzouki au pèlerinage juif de la Ghriba en mai 2012.

Le terrorisme idéologique

Le pèlerinage de la Ghriba, avant d'être une affaire commerciale, est une tradition culturelle et religieuse qui illustre la tolérance ancestrale qui caractérise notre peuple et il fait partie de notre patrimoine culturel et de notre mémoire collective, n'en déplaise aux apprentis sorciers de la politique.

Ce terrorisme idéologique utilisé par ceux-là même qui fréquentent les salafistes jihadistes et qui les défendent bec ongle sert la même stratégie que ces derniers: mettre à genoux l'Etat tunisien en détruisant son système immunitaire et notamment son économie et son tourisme.

Leur tentative d'intimidation ne doit pas faire reculer le gouvernement sur ses choix stratégiques. Sinon c'est la porte ouverte à toutes les reculades. Le terrorisme idéologique est le fossoyeur de la démocratie et de la liberté

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