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Rafik Abdessalem sera entendu aujourd'hui par le juge, mais l'ampleur de la campagne médiatique mise en route par Ennahdha pour sauver Monsieur Gendre ne présage pas d'un procès, pour le moins que l'on puisse dire, normal.

Par Moncef Dhambri

Depuis quelques semaines déjà, l'affaire du Sheratongate est de nouveau sur la sellette. Rafik Ben Abdessalem Bouchleka, l'ancien ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement Troïka 1 de Hamadi Jébali, devra aujourd'hui répondre aux questions du juge d'instruction. Ennahdha prend les choses au sérieux et déploie les efforts qu'il faut pour sauver le gendre de Rached Ghannouchi, notamment une armada d'avocats (200 robes noires, nous dit-on) et un dossier de défense bien fourni.

Mourou le maestro de la plaidoirie

Abdelfettah Mourou, hier en prime time sur Nessma TV, est venu révéler l'argument de choc des défenseurs de l'ancien ministre des AE: la caisse noire qui, selon une des règles du système, permet au locataire de ce ministère d'Etat de disposer de sommes colossales et de n'avoir aucun compte à rendre à personne...

L'affaire du Sheratongate serait donc sur le point de faire pschitt. Hier soir, en première partie de ''Ness Nessma'' de l'animatrice Meriem Belkadhi, le cheikh Mourou, vice-président d'Ennahdha et membre de l'escadron d'avocats qui défendent Rafik Abdessalem Bouchlaka, est venu plaider l'innocence de son client, voire son inégalable honnêteté.

Avec l'aisance de parole indéniable qui est la sienne et le préjugé favorable dont il jouit auprès d'une bonne partie de l'opinion publique tunisienne, nous pouvons parier que M. Mourou a su convaincre, hier, de nombreux téléspectateurs de l'émission ''Ness Nessma''. Avec sa verve, sa loquacité, sa jebba vert-pistache et ses effets de manche inimitables, Me Mourou a occupé le plateau et attiré l'attention de bout en bout. Les autres invités n'y trouvaient rien à dire. Peut-être se seraient-ils demandés ce qu'ils pouvaient faire face à ce maestro de la plaidoirie.

Notre consoeur Meriem Belkadhi aurait-elle préparé son dossier insuffisamment pour faire face au sympathique cheikh? Elle a donné plutôt l'impression de servir la soupe à son invité. En tout cas, Me Mourou pouvait dérouler comme il voulait son jeu de prestidigitateur. Le vice-président d'Ennahdha a tout d'abord déploré le caractère «anormal» de la situation, à savoir que l'affaire du Sheratongate soit ainsi étalée sur la place publique, alors qu'elle n'est qu'au stade de l'instruction.

L'on est, donc, en droit de s'interroger sur la raison qui a pu pousser Me Mourou à jouer ce jeu médiatique «malsain». Pire encore, comment peut-on expliquer que Me Mourou ait pu révéler au grand public cette arme secrète de la mystérieuse caisse noire.

L'argument massue de la caisse noire

Cet argument massue de la caisse noire, révélé ainsi la veille de la comparution du gendre du président d'Ennahdha devant le juge d'instruction, a certainement fait mouche dans des milliers de foyers tunisiens. Me Mourou a expliqué que des comptes de ce genre se trouvent dans tous les ministères d'Etat et que leur secret est protégé par la loi. Cette pratique légale, nous explique-t-il, existe depuis la nuit des temps et partout dans le monde. «Changez la loi (qui autorise l'existence de cette caisse noire, NDLR), cette pratique et ce système disparaîtront», lance le sympathique cheikh en prenant le téléspectateur à témoin.

Tout le Sheratongate serait vidé de son sens, les nuits blanches de notre consoeur Olfa Riahi n'auraient été peine perdue et le gendre du cheikh Rached Ghannouchi s'en serait sorti... Il en sortirait même grandi, nous a expliqué hier le vice-président d'Ennahdha. Sur «le petit détail» des 8.000 dinars versés en dessous-de-table à un journaliste, Me Mourou nous a gratifiés de cette explication selon laquelle Rafik Abdessalem aurait fait appel au service de ce journaliste pour une mission (?!) qui doit rester secrète. «Et même dans le cadre de cette discrétion légale, le Dr Rafik Ben Abdessalem a fait preuve d'une grande honnêteté et n'a pas hésité à produire une facture du paiement de ces 8.000 dinars, vous rendez-vous compte?», ajoute Abdelfettah Mourou pour clore sa plaidoirie.

La boucle, serait-elle bouclée? L'affaire du Sheratongate, serait-elle un pétard mouillé? Olfa Riahi devrait-elle ranger ses dossiers et chercher autres sujets? Les sorciers de Montplaisir continueront-ils toujours à surfer ainsi sur la vague de l'impunité?

Les arguments de Me Mourou, poussifs, oiseux et à la limite du ridicule, convaincront les partisans d'Ennahdha et quelques citoyens crédules, mains convaincront-ils les juges du Pôle judiciaire et financier? On devrait, peut-être, poser la question autrement : ces derniers se laisseront-ils convaincre aussi facilement que les téléspectateurs lambda de ''Ness Nessma''?

Attendons de voir... Même si les effets de manche déployés par les défenseurs de Rafik Abdessalem et l'ampleur de la campagne médiatique mise en route par Ennahdha pour sauver Monsieur Gendre ne présagent pas d'un procès... normal, pour le moins que l'on puisse dire.