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Mustapha Ben Jaâfar, président de l'Assemblée nationale constituante (ANC), déjà en pré-campagne électorale, fait les yeux doux à Ennahdha. On ne change pas une alliance... qui perd.

Par Marwan Chahla

Mustapha Ben Jaâfar, éternellement évasif, voire fuyant, a repris du service, ces derniers temps. La feuille de route du Quartet y est pour beaucoup: le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC) a été contraint de rappeler à l'ordre ses collègues de la Constituante afin qu'ils mettent les bouchées doubles pour finaliser la rédaction de la nouvelle constitution tunisienne.

La Loi fondamentale du pays aujourd'hui adoptée, le secrétaire général d'Ettakatol tire des conclusions sur l'alliance de son parti avec Ennahdha et le Congrès pour la République (CPR), esquisse la stratégie à venir et pense à son avenir d'homme politique.

Hier, sur Nessma TV, invité de l'émission ''Dialogue spécial'' animée par notre consoeur Meriem Belkadhi, Mustapha Ben Jaâfar a laissé entendre et comprendre que si c'était à refaire il n'hésiterait à associer le sort d'Ettakatol avec celui d'Ennahdha pour gouverner encore une fois le pays.

Pour Ben Jaâfar, Ennahdha n'a pas démérité

Les téléspectateurs, les auditeurs des radios nationales et les lecteurs de journaux n'ont pas fini d'entendre, pendant les semaines, voire les mois à venir, les dirigeants politiques commenter et analyser, chacun à sa manière, tout ce qui s'est passé depuis octobre 2012, date de la première tentative d'ouverture d'un dialogue national. Chacun, bien évidemment, tentera de tirer la couverture à lui...

Alors, le président provisoire de la République Moncef Marzouki a déjà organisé une première cérémonie célébrant la ratification de la nouvelle Constitution (avec feux d'artifice et lâcher de ballons) et qu'il prépare une plus grandiose célébration de cet évènement en présence de hautes personnalités étrangères, le 7 février, Ennahdha a été obligé de reporter un grand rassemblement public sur ce thème, qui devait se tenir samedi dernier.

L'opposition, désorganisée, essoufflée et «indigente», surtout, se débat comme elle peut: avec une déclaration par-ci et une prise de position par-là, elle explique qu'elle a tout fait pour empêcher l'islamisation de la société tunisienne et qu'elle a offert aux Tunisiens une constitution «moderniste et progressiste» qui répond à leurs attentes. Pour le reste, elle continuera de suivre pas-à-pas Mehdi Jomaâ, le successeur d'Ali Larayedh...

Mustapha Ben Jaâfar ne pouvait manquer la partie qui se joue aujourd'hui dans le pays, et qui se jouera pendant tous les prochains mois, jusqu'aux prochains scrutins présidentiel et législatif. En deux jours, dimanche et aujourd'hui lundi, le secrétaire général d'Ettakatol a accepté de répondre aux questions de nos confrères de Nessma TV et de Mosaïque FM (sur ''Midi Show'').

Habituellement avare de ses mots, M. Ben Jaâfar a donc dérogé à la règle et livré ses sentiments et ses opinions, lors du ''Dialogue spécial'' de dimanche soir de Nessma TV. Il a notamment passé en revue cette expérience de la formation de la Troïka qui a gouverné le pays pendant plus de deux années. Pour lui, il y a eu certes, des hauts et des bas, des moments de doute, des difficultés, des drames et des «dates de livraison» de la Constitution très souvent reportées, mais, cette entreprise était globalement positive. S'être associé avec Ennahdha et le Congrès pour la république (CpR) s'est avéré, aux yeux du président de l'ANC, comme étant une réussite.

«Je ne regrette pas d'avoir fixé des dates qui n'ont pas été tenues. C'était à l'image de tout ce qui se passait dans le pays: rien n'était certain; il y avait un manque total de visibilité», explique-t-il, ajoutant «Dieu, merci. Il fallait faire preuve de beaucoup de patience et j'ai réussi sur ce plan».

Un parti quasiment déserté et électoralement laminé

Se projetant dans l'avenir, Mustapha Ben Jaâfar n'a pas écarté la possibilité d'une nouvelle «collaboration» (lisons, une nouvelle alliance) avec Ennahdha. Pour lui, les islamistes de Montplaisir n'ont pas démérité: «Ils ont fait preuve de bon sens et ils ont été constructifs».

Aurait-il pu en être autrement, pour le secrétaire général d'Ettakatol? Non, car une réalité s'impose à lui, aujourd'hui: son parti est quasiment déserté et électoralement laminé. Les différents sondages viennent rappeler, chaque mois, au président de l'ANC que ce déclin est inarrêtable et qu'il risque de se poursuivre.

Ainsi, la seule option pour M. Ben Jaâfar demeure celle de continuer de jouer la carte de l'alliance avec Ennahdha (en défendant, lui aussi, la thèse de «l'islamo-démocratie») et de se préparer, personnellement, pour l'élection présidentielle, comptant en cela sur le soutien nahdhaoui.

Ce donnant-donnant entre Ennahdha et Ettakatol prolongera, donc, la carrière politique de Mustapha Ben Jaâfar et offrira très probablement au parti de Rached Ghannouchi une nouvelle chance de diriger le pays, après une courte absence des huit ou neuf prochains mois. Les Nahdhaouis réussiront, aussi, à convaincre quelques autres brebis égarées et finiront par rafler la mise législative et gouvernementale.

Quant à l'opposition, nous n'en parlerons pas, cette fois-ci.