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En quittant le gouvernement, sans vraiment quitter le pouvoir, Ennahdha joue à qui perd gagne et se met en bien meilleure position que ses adversaires pour revenir au Palais de la Kasbah lors des prochaines élections.

Par Samir Bouzidi

Ennahdha Certains y voient le résultat de la pression internationale (et en premier lieu américaine) et/ou des remous du «tsunami égyptien», d'autres saluent la mobilisation acharnée de la société civile, l'adoption de la nouvelle constitution tunisienne est, en tout état de cause, une leçon politique du parti majoritaire: Ennahdha.

Un parti puissant et discipliné

Certes, le bilan sécuritaire, économique et social des vingt-deux mois de gouvernance «nahdaouie» est un échec mais l'épilogue politique est heureux car Ennahdha a su mettre en scène au final l'image d'un parti puissant et discipliné capable de grands sacrifices pour préserver l'union nationale et les intérêts supérieurs de la nation. Un capital dont aucun autre parti ne peut se prévaloir à ce jour en Tunisie !

Ennahdha a compris l'opportunité de quitter le navire gouvernemental au moment où la sécurité, les finances publiques et le chômage sont devenus des sujets explosifs à quelques mois des élections.

A l'abri à l'Assemblée nationale constituante (ANC), le parti intègre l'opposition majoritaire gardant ainsi le contrôle de l'action gouvernementale jusqu'aux prochaines élections.

Enfin, en obtenant la reconduction de Lotfi Ben Jeddou au ministère de l'Intérieur, le parti prend des gages sur l'organisation des prochaines élections. «Nous quittons le gouvernement mais pas le pouvoir!», triomphe Rached Ghannouchi.

Débarrassé de la lourde charge de l'exécutif, Ennahdha va pouvoir se concentrer sur une seule compétition: la prochaine élection présidentielle et législative.

Affaibli mais pas impopulaire

Dès demain, le bloc parlementaire pèsera de tout son poids dans l'élaboration de la nouvelle loi électorale, un chantier crucial à l'Assemblée constituante qui va déterminer les rapports de force pour les prochaines élections (financement des partis, découpage des circonscriptions...).

Les dirigeants et cadres du parti devraient également très vite se mobiliser sur le terrain auprès de leurs sympathisants vulnérabilisés socialement et auprès de leurs électeurs radicaux déçus par une constitution vidée de la charia promise (excepté l'article 6 qui stipule que l'Etat devra interdire «toute atteinte au sacré»).

Le parti sort certainement affaibli de cette période mais rien n'indique que son impopularité dépasse celle de l'opposition dans les villages ou dans les grands faubourgs populaires de Tunis.

L'absence de liesse populaire au moment de l'adoption de la constitution est là pour rappeler à Ennahdha et aux autres partis politiques l'urgence d'un projet économique et de résultats que le discours identitaire ne suffit plus à combler.

En définitive et malgré l'usure certaine du pouvoir, Ennahdha a encore son destin entre les mains. Si le parti réussit à remobiliser son électorat et diviser l'opposition, la victoire lui tend les bras.

Source : ''00216Mag'' 

Illustration: Le président Marzouki décore le chef du gouvernement sortant, le Nahdhaoui Ali Larayedh, lundi 27 janvier 2014.

 

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