rached ghannouchi 5 9Après les avoir entourés de sa très haute sollicitude, Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha se retourne (en apparence seulement) contre les groupes salafistes. De qui se moque-t-il?

Au cours d'une conférence de presse, jeudi, consacrée aux événements de Jebel Châmbi, où un groupe de terroristes est réfugié depuis décembre dernier, Rached Ghannouchi, président du parti islamiste Ennahdha (au pouvoir), a déclaré que «le terrorisme ne réussira pas en Tunisie», ajoutant que «la Tunisie est un Etat musulman modéré» et qu'«il n'y a aucune justification de la violence après la révolution». C'est-à-dire qu'avant la révolution, la violence (notamment celle des islamistes à Bab Souika, Monastir, etc.) était justifiée. Suivez mon regard!

M. Ghannouchi a cru devoir répondre aux accusations portées contre Ennahdha et le gouvernement, qui ont montré beaucoup de laxisme vis-à-vis des salafistes extrémistes. Laxisme que traduisent les anciennes déclarations de M. Ghannouchi, qualifiant les salafistes de «nos enfants», qui «ne sont pas tombés de la planète Mars» et qu'«ils propagent une nouvelle culture en Tunisie» (sic !)

Comme pour justifier ce laxisme, que certains ont assimilé à une complicité active, M. Ghannouchi a ajouté qu'Ennahdha s'est donné pour mission de «dialoguer avec tous ceux qui défendent des idées», ajoutant que le gouvernement «a appliqué la loi dans les événements de Rouhia, Bir Ali Ben Khalifa et l'ambassade des Etats-Unis et a tué ceux qui ont recouru à la violence contre l'Etat». «Le gouvernement combat aujourd'hui avec toute son énergie ceux qui sèment la mort à Jebel Châmbi», a affirmé le leader du parti islamiste.

Et comme pour se racheter et justifier a posteriori ses anciennes déclarations favorables aux salafistes extrémistes, M. Ghannouchi a ajouté : «Les salafistes qui ne recourent pas à la violence sont nos enfants et nous discutons avec eux, parce qu'ils font partie su paysage intellectuel tunisien», affirmant qu'«Ennahdha ne permet pas qu'on arrête les gens selon leurs idées ou leurs appartenances comme cela est arrivé aux milliers de partisans d'Ennahdha sous Ben Ali».

«Le jihad en Tunisie doit être contre la pauvreté et le chômage», a dit aussi Ghannouchi qui reprend ici, sans s'en rendre compte, une célèbre phrase de son ennemi de toujours, le très laïc ex-président de la république Habib Bourguiba. Plagiat par inadvertance ou admiration secrète?

«La Tunisie est pays musulman modéré. La liberté y est assurée pour tout le monde et il n'y a pas de raison dans le pays pour la violence et l'extrémisme», a encore répété Ghannouchi, cultivant, comme à son habitude, la duplicité, l'ambiguïté et le double langage, affirmant quelques chose pour aussitôt la contredire et la vider de toute sa substance.

En conclusion, voilà ce que M. Ghannouchi a déclaré aujourd'hui, traduit en langage moins alambiqué : les salafistes, fussent-ils extrémistes, sont toujours les bienvenus dans la Tunisie d'Ennahdha, pourvu qu'ils restent dociles, soutiennent le parti islamiste au pouvoir et lui donnent leurs voix aux prochaines élections!

Qui a parlé de revirement?

Imed Bahri