Seul le Cicr est en droit de rendre visite à l’ancien Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi, extradé dimanche de Tunisie. Pourquoi ne l’a-t-il pas encore fait?


La question est d’autant plus légitime que les nouvelles en provenance de Libye sur le sort de M. Mahmoudi sont contradictoires, que les sources fiables sont rares et que le Comité international de la croix rouge (Cicr) dispose d’un bureau à Tripoli et qu’il est, de ce fait, le seul capable de confirmer ou d’infirmer les rumeurs sur les mauvais traitements infligés (ou pas) à l’ancien responsable libyen, extradé dimanche de Tunisie.

La silence inexplicable de la Croix rouge

Du côté du Cicr, aucune réaction. «C’est de son rôle de rendre visite au prisonnier, d’affirmer qu’il n’a pas été torturé et qu’il est en vie et de donner des preuves tangibles», a dit à Kapitalis, Me Taoufik Ouanes, qui était en charge des aspects internationaux (Hcr et Cicr) dans le dossier de M. Mahmoudi.

Le 13 janvier 2011 et à la demande Baghdadi Mahmoudi, l’avocat a saisi du cas de son client à Jean-Michel Monot, représentant régional du Cicr en lui remettant à Tunis une lettre.

Selon Me Ouanes, le représentant régional du Cicr était bien en contact permanent avec M. Mahmoudi pendant la révolution. «Et c’est lui qui l’a aidé à ouvrir un bureau de la Croix Rouge à Tripoli afin de rendre possible la visite des prisonniers. M. Monot n’a pas donné suite à cette lettre et on aurait bien aimé que la Croix Rouge de Tripoli aille voir M. Mahmoudi et nous dire davantage sur la vérité de son état physique, moral et les conditions de sa détention», souhaite l’avocat.

La polémique enfle en Tunisie

L’extradition de Mahmoudi, menée en catimini par le gouvernement tunisien, sans même en avoir informé le président de la république et le président de l’Assemblée nationale constituante (Anc), continue d’alimenter la polémique hez les politiques, avocats, défenseurs des droits de l’Homme et autres représentants de la société civile nationale et internationale. Et pour cause.

Selon nombreuses sources, Baghdadi Mahmoudi aurait été torturé lors de son premier interrogatoire et hospitalisé dans un état critique. Pour d’autres, suite aux violences qu’il a subies, il serait déjà mort. Et pour d’autres (autorités tunisiennes et leurs homologues de Libye), il serait bien traité dans la prison. Selon leurs communiqués, il serait même suivi par un médecin et son état de santé s’est beaucoup amélioré depuis son arrivée en Libye en état d’anxiété.

Certains avocats de M. Mahmoudi ont une autre version: personne ne connaît où se trouve exactement l’ancien Premier ministre et même «des confrères libyens ont affirmé que les responsables du Conseil national de transition (Cnt) ignorent le lieu où l’on a transféré M. Mahmoudi».

Le gouvernement tunisien, qui affirme avoir procédé aux vérifications nécessaires auprès des membres du Cnt, se montre rassurant: «Il est dans une prison et non dans un hôpital. Le lieu est sûr, il est bien traité et est même examiné tous les jours par un médecin».

Face à cette ambiguïté, un collectif d’avocats compte porter plainte contre le gouvernement tunisien qui a livré Baghdadi Mahmoudi à un pays encore sans Etat. Surtout qu’il y a eu des rapports indiquant que la Libye sombre dans l’insécurité et que c’est la loi de la jungle qui y règne aujourd’hui. Avec des groupes de rebelles qui refusent de rendre les armes et contrôlent des pans entiers du pays.

Z. A.