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L'Etat tunisien devra rendre des comptes à l'Unesco, en 2015 et en 2016, à propos de la conservation du site archéologique de Carthage.

Par Nabil Ben Ameur

Confronté à la récente rumeur de déclassement du site historique de Carthage de la liste du patrimoine mondial, le ministère de la Culture a assuré que ce site archéologique -«ne sera pas déclassé de la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco» sur laquelle il figure depuis le 26 octobre 1979 et démentir que l'Etat tunisien soit confronté à un ultimatum de cette organisation. Si, dans son communiqué du 7 octobre 2014, le ministère n'a dit que la vérité, il n'a pas dit toute la vérité.

Le site archéologique de Carthage n'est pas dans le meilleur de ses états possibles. D'ailleurs, le ministère de la Culture a admis qu'il a été l'objet de «plusieurs infractions» et «plusieurs actes de vandalisme (...) durant les dernières années sous l'ancien régime» et qu'on a enregistré une «amplification du phénomène des constructions anarchiques autour du site depuis la révolution de 2011». Et ce sont ces agressions et infractions qui ont amené l'Unesco en 2011 à enquêter sur la situation de ce site.

Suite à une «mission conjointe de suivi réactif» du Centre du patrimoine mondial (CPM) et du Conseil international des monuments et des sites (Icomos), ayant relevé des «problèmes de conservation» dus à des «facteurs affectant le bien», en l'occurrence le «développement foncier et d'infrastructures au sein du bien», l'Etat tunisien a été invité à prendre des mesures pour arrêter la dégradation du site et mieux le protéger.

Dans son communiqué du 7 octobre 2014, le ministère de la Culture rappelle que «face à cette situation déplorable», il a pris «plusieurs mesures urgentes et concrètes pour mettre fin à ces dépassements, notamment, la création d'une commission spéciale chargée des autorisations de construction faisant savoir que des actions en justice en référé ont été intentées pour l'activation urgente de décisions prononcées depuis plusieurs mois concernant 43 constructions sauvages ayant refusé d'évacuer les lieux».

Citernes-Maalga-Carthage

Etablir des zones tampons pour protéger les Citernes de Maalga.

Récemment, l'Unesco a reconnu les «nombreux efforts» de l'Etat tunisien «afin de répondre aux recommandations du Comité du patrimoine mondial» mais souligné également ce qui restait à faire.

Toute en le félicitant pour l'adoption du Plan de protection et de mise en valeur (PPMV), l'Unesco a appelé l'Etat tunisien à persévérer «dans sa politique de maîtrise foncière privilégiant le patrimoine face aux intérêts privés, afin de préserver l'intégrité du bien». Elle lui a demandé aussi de prendre plusieurs dispositions.

L'Etat tunisien a ainsi été invité, notamment, à mettre en application le PPMV, à élaborer un plan de présentation et d'un plan de gestion touristique, à mettre en place une stratégie archéologique et de conservation, à procéder à «des aménagements prioritaires sur les zones du cirque, du Borj Boukhris, du parc des villas romaines et des citernes de la Maalga», modifier le périmètre du site archéologique pour «établir une zone tampon», etc.

Mais, d'après l'Unesco, l'Etat tunisien n'a pas donné suite à deux au moins parmi ces recommandations. D'abord, les maisons occupant la partie est du cirque sont déclarées «non autorisées mais tolérées» par le PPMV et aucun aménagement prioritaire n'a été prévu dans les zones du Borj Boukhris, du parc des villas romaines et des citernes de la Maalga.

Ensuite, concernant la zone tampon, l'Etat n'a, depuis la décision du CPM en 2012 – «qui avait demandé à l'Etat partie de fournir de plus amples informations sur les critères utilisés pour définir cette zone tampon, sur les réglementations et mesures existantes qui la régissent et qui permettront d'assurer la protection du bien et sur les dispositions prises pour sa gestion» – adressé aucune information à ce sujet à cette instance.

L'Etat tunisien va devoir bientôt s'expliquer sur ce point et sur bien d'autres concernant la protection du site archéologique de Carthage. En effet, il est tenu de soumettre deux rapports dans les prochains moins : le premier d'ici le 15 février 2015 est destiné a CPM, et concerne l'avancement de l'application des recommandations; le second d'ici le 1er décembre 2015, a trait à l'état de conservation du bien et devra être examiné par le CPM, lors sa 40e session en 2016.

Illustration: Le port punique de Carthage enserré dans les constructions.

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