Mouna-jemal-Siala-banniere

L'habit noir de la situation que les Tunisiens ont vécu ces 3 dernières années, Mouna l'a reproduit et l'a transmet à travers ces visages aux multiples expressions.
Par Anouar Hnaïne

Les photos ont longtemps circulé sur Facebook; le livre était attendu; il est sorti du virtuel pour être publié chez Sa'Al. ''Non à la division'' contient 217 portraits (le nombre des députés), légendés par Mouna ou commenté par des personnages photographiés. Une exposition de plus d'une cinquantaine de photos se tient à l'espace Sadika où l'ouvrage est en vente.

Marianne-Catzaras

Marianne Catzaras.

La célébration de soi et des autres

La production de Mouna Jemal Siala avance par à coup ou par jalons. Première station : en 2003, elle met ses triplés en scène, en trompe l'œil, où l'on voit ses enfants dans différentes positions. Photos d'artiste, enfants d'artistes. Elle poursuit dans cette voie pénétrable à première vue, mais une voie sans fin.

En 2011, elle se prend en photo, portrait de face, le projet s'appelle ''Le sort''. Sur la photo, un air tragique, le visage est graduellement recouvert par une poudre noire. Photo qui reflète le glissement de la société tunisienne dans une sorte d'obscurantisme. Mouna déclare: «Ma vie et mon art sont indissociablement liés». Ce jeu ne manque pas de danger; il la place dans démarche constante, personnelle, à la limite de l'intime: le travail sur soi. Où l'introspection, l'analyse n'est pas loin.

Raja-Farhat-Siala

Raja Farhat.

L'auto-construction la dirige vers une autre expérience autrement plus riche, une autre station qui la lie cette fois aux autres. Les autres? Principalement son entourage, famille, cousins, collègues, voisins et figures connus de la place et accessoirement ses amis de Facebook, medium dont elle est apparemment accro.

Cette fois Mouna frappe un grand coup. Cela fait plus de deux ans et demi qu'elle travaille sur ce projet ambitieux intitulé ''Non à la division'', où l'on voit qu'elle saute le pas. Passant de l'autocélébration à la célébration des autres, elle se plonge ainsi en plein dans la vie politique. La photo miroir de la vie politique.

Raouf-Ben-Amor

Raouf Ben Amor.

Rappelez-vous, deux ans plut tôt, le pays était fortement divisé en deux camps, les modernistes face aux obscurantistes. Vaste terrain d'inspection, d'introspection, de recherche ! L'artiste choisit un dans l'un des deux camps, forcément le sien, des personnages de la société civile, des acteurs, des metteurs en scène, des artistes plasticiens, des amis qu'elle chérit, sa tante, ses enfants, son mari, des photographes, des inconnus au bataillon, des voisins, un charbonnier, ses étudiantes, les cousins, etc.

L'habit noir des choses

Cela donne une photo sans accessoires, lumière et décors naturels, un trait au crayon noir divise le visage. Un panorama où les personnages photographiés se découvrent plutôt «engageants et photogéniques».
En somme, on peut dire que Mouna témoigne à travers les portraits des autres. Elle témoigne par la photo, des clichés en noir et blanc, un procédé pour nostalgique d'un temps avant la couleur ou une intention de séduire le spectateur?

Mouna-Jemal-Siala

Mouna Jemal Siala.

Anecdote dans ''Journal'' des Goncourt dans une vente de photographies : «Tout devient noir en ce siècle, et la photographie, n'est-ce pas l'habit noir des choses». En effet, c'est l'habit noir de la situation que les Tunisiens ont vécu pendant cette période non moins noire. Mouna l'a reproduit, l'a transmis à travers ces visages aux multiples expressions, qui disent un maximum de choses en un minimum de moyens.

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