JCC-2014-conference-de-presse-Banniere

La 25e session des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) se tiendront du 29 novembre au 6 décembre 2014. Peu de grande ferveur, mais de bons films à voir.

Par Samantha Ben-Rehouma

11 novembre 2014. Tunis. Cinéma Le Rio. Conférence de presse des JCC. On annonce 36 pays participants, 15 longs métrages, 16 courts-métrages et 19 documentaires dans la compétition officielle.

Décentralisation et pensée pour les enfants

Avec des projections à Kairouan, Médenine, Jendouba, Thala, Gafsa et Menzel Bourguiba (du 30/11 au 05/12), les JCC se veulent décentralisées et, grâce au soutien de l'Unicef, les enfants ne seront pas en reste et pourront voir, entre autre, l'excellentissime ''Excuse My French'' d'Amr Salama.

A regarder de près la section «Tarchikat» (Algérie, France, Liban, Sénégal) consacrée aux jeunes cinéastes mêlant formalité et impertinence, mais aussi les hommages à Maurice Pialat, Samba Felix N'Diaye, Omar Amiralay, Naceur Khemir, Stephen Frears (qui fera le déplacement lors de la projection de son film ''Philomena'', basée sur une histoire vraie) ainsi qu'une section consacrée aux aspects du cinéma roumain et chilien.

A ne pas rater les soirées en présence des réalisateurs dont le très attendu Jean-Luc Godart avec son ''Adieu au Langage'' (prix du Jury Cannes 2014 ex-aequo avec le très bon ''Mommy'' de Xavier Dolan qu'on pourra d'ailleurs voir aux JCC).

Enfin à ne pas rater ''Hippocrate'' de Thomas Litti, Jimmy's Hall de Ken Loach, ''Fièvres'' de Hicham Ayouch (le frère de Nabil qui était venu en 2008 pour son magnifique ''Whatever Lola Wants''), ''Mars at Sunrise'' de Jessica Habie, ''La Chanson de ma Mère'' d'Erol Mintas qui mit plus de 2 ans à trouver «la maman» qui puisse parler kurde, le très poétique ''My Love Awaits By The Sea'' de Mais Darwazah, ''The Lunchbox'' (un de mes préférés) de Ritesh Batra avec le génial Irrfan Khan, etc.

Bref, beaucoup de films à découvrir car comme dit le cinéaste Mahamat-Saleh Haroun «J'attends d'être séduit, ému, dérangé !»

Choisi pour faire l'ouverture des JCC, le film à thèse ''Timbuktu'' d'Abderrahmane Sissako (''En Attendant le Bonheur'' et ''Bamako'') dans lequel il fustige l'extrémisme jihadiste avec des scènes d'horreur, d'amputation, de lapidation rendues moins «hard» grâce à la lumière de Sofiane El Hani, chef opérateur et frère de ... Nadia El Fani.

Meme-pas-mal

Les JCC et Nadia El Fani : Je t'aime moi non plus !

Si la sélection des JCC est, cette année, mi-figue mi-raisin, ''Même Pas Mal'' de Nadia El Fani incarne, lui, le fruit défendu puisqu'il n'y concoure pas.

Pourtant, les JCC sont, par essence, la promotion des films des pays africains et arabes mais force est de constater que nul n'est prophète en son pays ! Comment rester de glace quand une promesse se brise ?

Voilà enfin venue l'occasion pour l'enfant terrible et prodigue de rentrer au pays et faire ainsi profiter à son public de son prix de la Fondation Femmes pour l'Afrique et de son 1er prix du meilleur documentaire ''Même pas mal'' (coréalisé avec Alina Isabel Pérez) au Festival Fespaco 2013 (Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou)... Seulement voilà nous n'aurons pas le plaisir d'apprécier son travail puisque son film n'est pas au programme des JCC. Pourquoi ?

Mystère, car même si on a encore gardé en mémoire le saccage du cinéma AfricArt pour son film ''Laïcité Inchallah'' jugé trop... laïque et les évènements qui s'ensuivirent (menace des salafistes, exil, etc.), est-ce, autant, une raison pour condamner la réalisatrice et ses chances de revenir sur le devant de la scène? Non, car dans ces cas-là, il n'y aurait plus de festivals pour Peckinpah (''Les Chiens de Paille''), Boorman (''Délivrance''), Kubrick (''Les Sentiers de la Gloire'', ''Orange Mécanique''), Godart (''Le Petit Soldat''), Scorsese (''La Dernière Tentation du Christ''), Costa-Gavras (''Missing''), Pasolini (''La Ricotta'', ''Théorème''), Bunuel (''L'Age d'or''), etc.

Bref, tout cela pour dire que la Culture (avec un grand C) doit être libre de tous préjugés politiques, religieux ou autres. Après tout quelle différence y a-t-il entre une journaliste, prenant à partie Dora Bouchoucha, qui s'insurge de voir le film de Raja Amari aux JCC parce que «c'est nul» et le fait de ne pas voir pour Nadia El Fani projeter son film (surtout quand on vous promet qu'il le sera) qui plus est dans son propre pays? Aucune, c'est au public de laisser juge et ce dernier via les réseaux sociaux a déjà pris fait et cause pour la réalisatrice qui «fera tout pour que les Tunisiens puissent voir ''Même pas Mal!''»

Devant cette situation ubuesque Danny Glover, président du Grand Jury des JCC profitera-t-il de l'occasion pour nous gratifier de son cultissime «J'suis trop vieux pour ces conneries» ou assisterons-nous à des manifestations dignes de la bataille d'Hernani, seul l'avenir nous le dira...

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