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Au chapitre choral, le spectacle absolument prodigieux de l'ensemble ''Les éléments'' est à marquer à la pierre blanche dans l'histoire de l'Octobre musical.

Par Anouar Hnaïne

Les chants religieux et profanes ont rempli la nef de l'Acropolium de Carthage, en cette soirée du 20 octobre 2014, d'une atmosphère lourde de sens et de spiritualité. Les interprètes du chœur de chambre ''Les Eléments'' de Toulouse dirigés par son fondateur Joël Suhubiette ont trouvé en l'église un espace qui sied à leur expression et un public qui répond à leur écho.

Titre de leur soirée ''Méditerranée Sacrée''. Le programme nomadise entre polyphonies anciennes et modernes, déclinées en arabe, en hébreu et araméen, en latin et en grec ancien. Une toile ordonnée dont la palette été renforcée par la présence des chants de Alia Sellami, soliste invitée, occasionnellement intégrée à l'ensemble.

Le chœur ''Les Eléments'', créé à Toulouse en 1997, est devenu l'un des acteurs principaux du paysage professionnel français, récompensé par plusieurs prestigieux prix. Joël Suhubiette en est le chef de chœur et le directeur musical, fortement inspiré par la splendeur de l'Acroplium, il fit les choses en grand, élaborant une mise en scène originale. Les chanteurs ont été répartis partout par petits groupes de trois, de deux ou de quatre dans les couloirs, dans le déambulatoire à l'étage, au milieu du public et naturellement sur scène.

Départ avec un chœur de femmes, ''Libre vermell'' ou Livre vermeil de Montserrat (XIVe siècle). Un chant religieux à la gloire de Marie de Monserrat (Espagne) et la lumière du jour. Suit un ''Magnificat'' (cantique) T. L. de Victoria (1548-1611). Les voix se déploient sous toutes les couleurs, graves, aigus, à deux à trois en groupe, lentes, hautes. Le public est hypnotisé ou presque. Applaudissements.

Orchestre-les-elements

Des Bacchantes en pleurs

Suhubiette intervient, il explique, donne des repère sur le morceau suivant ''Trois fragments des bacchantes'' (2009) commandé à Alexandros Markeas (1965), un texte en grec ancien inspiré des ''Bacchantes'' d'Euripide. Hommage donc à Dionysos, accouché par la foudre, initié au mystère des Dieux, nomade ayant parcouru la Perse, l'Arabie heureuse, l'Asie... Voici les Bacchantes, fêtes nocturnes, s'arrachant la peau, elles montent les voix, «Nous t'adorons... Ô lumière... Je chanterai Evoé sur le mode des Barbares...».

La salle est attaquée par les cris des choristes, voix hautes, lamentations, des coups qui s'allongent; le public est terrassé ; les voix fusent de partout ; les têtes se tournent dans tous les sens. Ce n'est plus une cathédrale, une jungle, des amazones, filles de Cadmos en furie. Silence et tonnerre d'applaudissements. Pause.

Entrée applaudie de Alia Sellami. Elle explique un peu trop longuement son programme : ''Man anta'' (Qui es-tu ?), texte du soufi Mansour El-Hallaj (857-922), composition pour voix d'hommes, ''Fi Leyli'', chants maronites libanais (Alia en solo), ''Zad Moultaka'' (1967), ''Lama sabaktani'' (2009), en araméen, inspiré par les ''Sept dernières paroles du Christ en croix''. Et sur un autre chapitre une reprise de ''Mur... murs de la ville'' (1970) pour 18 voix, composition de Alia Sellami.

Cette composition est une recréation du même thème proposé à Dream City en 2010. L'œuvre conçue comme éphémère au départ, se fondait sur des bruits sortis de hauts parleurs installés sur des murs, un chant, des lumières de néons, un mélange qui faisait bon écho dans une impasse d'un quartier populaire, une improvisation qui faisait écho à l'univers de la ville arabe. A l'époque, on avait apprécié ce happening de bon aloi. L'univers s'est déplacé sur la colline de Byrsa, le public de l'Acropolium a apprécié l'amplification de cette création. Tant mieux.

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