Musiqat-Banniere

Musiqât, le Festival des musiques traditionnelles et néo-traditionnelles, met un point d'orgue à donner le la aux artistes occidentaux et orientaux...

Par Samantha Ben-Rehouma

A l'Ouest rien de nouveau, donc? Pas tout-à-fait puisque les organisateurs n'ont pas perdu le Nord question restriction. En tous cas, ce qu'on aura appris, lors au de la conférence de presse organisée vendredi 19 septembre 2014, au palais du Baron d'Erlanger (Ennejma Ezzahra), à Sidi Bou Saïd, c'est que festival ne rime pas toujours avec festif.

Bis Repetita

Du 25 septembre au 2 octobre 2014, le Centre des musiques arabes et méditerranéennes (CMAM) vibrera, chaque soir, aux sons des târ, doun-doun, cithare et guitare espagnole. Pour 20 dinars (prix fixe pour tous les spectacles), les oreilles occidentales – avides de voyages sonores parfois non tempérés mais toujours bien policés – s'ouvriront ainsi sur le dépaysement sonore dont l'usage de techniques de composition (aléatoire, répétitive) et les pratiques de musiques traditionnelles – révélées notamment par les nouveaux modes de reproduction sonore – sont un matériau inépuisable aux créateurs d'aujourd'hui.

Majid Derakhshani (Iran) ouvrira le bal le jeudi 25 septembre, suivi de Oum (Maroc), véritable phénomène scénique qui groove et jazz sur des chants sahraouis. D'ailleurs, les places de son concert, enfin une grande partie, ont été achetés dès l'ouverture de la billetterie en ligne. Idem pour Sana Moussa (Palestine). C'est dire l'engouement que suscitent ces superbes voix féminines! Puis place au flamenco avec Luis de la Carrasca (un spectacle qui promet d'être muy caliente connaissant muy bien el mundillo flamenco). Ensuite ça sera celui qu'on appelle «le marcheur au kamale n'goni» (harpe guitare malienne) Abbou Diara. Enfin avant que notre cher Mounir Troudi vienne clôturer Musiqât de sa voix de stentor, petit détour en Inde avec la star Raghunath Manet qu'on ne présente plus tant il est multi-tout : multi-talented and multi-tasked!

CP-Musiqat

De gauche a droite : Sorour Kouka, représentant de Tunisie Telecom, Radhi, Sofiene Feki et Mohamed Ali Hammami (directeurs du CMAM) et Mounir Troudi.

Un trio obbligato

Abstraction faite du talent des artistes, vous l'aurez compris, cette neuvième édition n'a rien d'extraordinaire – n'en déplaise aux organisateurs – et ne présente aucun nouveau courant, un peu dommage lorsqu'on sait que Musiqât prisait la découverte des chants et musique de contrées lointaines (comme ce fut le cas avec le Cap Vert, la Mongolie ou l'Ouzbékistan dans les précédentes éditions). Ce pot-pourri s'est réduit en peau de chagrin au fil des ans (seulement 7 concerts). Le bémol vient-il de la dissonance de ces organisateurs? A en voir les chiffres, certainement!

Musiqât c'est avant tout un trio: le CMAM, Scoop Organisation et Tunisie Telecom qui, sur les 150.000 dinars que coûte ce festival, donne 60 000. Apport non-négligeable certes mais seulement en apparence car Scoop Organisation prend 50% sur toute somme versée au CMAM (selon la clause du contrat Musiqât). Ajouté les 35.000 dinars du ministère de la Culture (somme couvrant uniquement les billets d'avions) et vous obtenez donc 85.000 dinars (puisés dans le budget du CMAM) soit plus de la moitié de la somme totale à trouver pour faire tourner ledit festival.

Incroyable mais vrai ! Ainsi, inutile d'avoir fait Math Sup et Math Spé pour comprendre que «foutage de gueules» il y a quant au financement des manifestations culturelles.

Pourtant, avant d'être ministre de la Culture, Mourad Sakli a bien connu Musiqât puisqu'il en est le fondateur. Pire que cela, à la question «Si Scoop Organisation vous prend autant, pourquoi ne pas faire Musiqât sans eux?», Sofiene Feki, directeur du CMAM, se tait. Après tout c'est à Mourad Mathari, patron de Scoop Organisation, de répondre mais ce dernier, en voyage, s'est épargné cette corvée. Ce qui en dit long!

Mounir-Troudi-Musiqat

«Mounir ça te dérange les caméras de TV? - Ça dépend quelle TV» (Rires)

Journalistes... Persona non grata

Aux grands maux, les grands remèdes. L'annonce comme quoi cette année il n'y aurait que 10 badges presse pour cause de logistique a suscité aussitôt une levée de boucliers côté journalistes et plus particulièrement ceux de la télévision (une équipe de TV s'est déjà 3, 4 personnes!).

En effet, aucune caméra ne sera autorisée dans la salle. Beaucoup d'artistes se sont plaints de la présence de caméras et d'appareils photos. Pire: nous avons trouvé des traces d'huile, de mayonnaise et d'harissa au premier étage (qui abrite le musée) sur des tableaux inestimables, c'est pourquoi nous avons contacté les meilleurs cadreurs pour filmer en HD sur trois angles différents l'intégralité des spectacles.

Certes, mais cela ne justifie pas de réduire à 10 le nombre de journalistes voire à imposer un nombre tout court. De plus, a contrario d'autres manifestations culturelles, le transport des journalistes n'est pas assuré. Bon, ils s'arrangeront avec leurs employeurs s'ils tiennent vraiment à couvrir un festival qui, lui, n'y tient pas!

Imposer un quota pour la presse n'est pas très judicieux, le CMAM joue à l'arroseur arrosé en faisant du «mess-media» qui, somme toute, n'est là que pour couvrir son événement !

Pour une 9e édition, ce n'est pas l'Hymne à la Joie!

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