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Le Festival de Hammamet a eu la main heureuse en offrant à son public, en ce samedi 9 août 2014, un ballet ''Carmen'', intitulé ''La danse mythique ''.

Par Anouar Hnaïne

L'opéra est archiconnu, l'un des plus joués au monde. ''Carmen'' attire, fascine toujours, déçoit rarement tant le drame de la passion est poussé à son paroxysme.

Quatre actes, deux parties, quarante minutes, un entracte de 15 minutes, puis cinquante minutes.

Une Carmen slave dites-vous?

L'argument? Tout le monde, disons tous les mélomanes le connaissent par cœur. A ceux qui ont oublié, il suffit de leur faire écouter la célébrissime ''Habanera'': «L'amour est enfant de bohême, il n'a jamais connu de loi. Si tu ne m'aimes pas je t'aime...» Et si ce n'est pas suffisant, alors passons à la conclusion de l'histoire, quand le quadrille des toreros, des banderilleros entonne le chant ''Toréador, Tooo... réador...''

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Une histoire de jalousie sur fond d'émeutes, de tension, d'arène...

Fin du XIXe siècle à Séville, Carmen, une gitane, cigarière et mutine, aime follement Don José, un brigadier. Suit une histoire de jalousie sur fond d'émeutes, de tension, d'arène, de torero devant la mort, bref de passion, de possession d'amour, de bonheur et de souffrance.

Tout l'opéra est au cœur de cette femme, flamboyante, incarnée par les meilleures cantatrices de Maria Callas à Régine Crespin, de Julia Gimenez à Angela Gheorghiu. Un rôle-titre incontournable pour les sopranos.

Le public est venu en nombre à cette soirée, un public de choix, une rangée de chorégraphes locaux, présence d'hommes de théâtre, des amateurs avertis, beaucoup d'étrangers, nous avons croisés des Russes. C'est que cette Carmen est slave, ou slavisante, le corps de ballet est composé de la Compagnie danse impériale de Saint Petersburg, la chorégraphie et les postes de rôles sont créées et imaginés par Natalia Osipova, étoile du Théâtre Mikhaïlovsky de Saint Petersburg. Une référence dans la danse et les «caractères». Or, pour nous autres, dans notre imaginaire, Carmen est foncièrement andalouse, fleurs aux cheveux, robe ample à volants, claquettes, flamenco, etc. Slave, c'est ce qu'on va découvrir.

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Un danseur noir surgit, il incarne Le Destin, joué par l'excellent Kai Braithwaite...

Entre classique et modernité

Le décor annonce la catégorie: scène quasi nue, 3 cages hautes en métal et une profondeur de champs. Le regard d'Osipova est donc porté par la modernité. Un danseur noir surgit, il incarne Le Destin, joué par l'excellent Kai Braithwaite, du Harlem ballet New York. Torse nu, ses mouvements reflètent une longue expérience de la danse classique, des pas de biche, des pas chassés, balancés, cabrioles, etc. Il se dépense sans compter, escalade les cages, saute, traverse la scène en tous sens, il a de l'énergie à en revendre...

Entrent les cigarières, mouvements d'ensemble, dessins aériens, costumes actuels, un autre tableau. Carmen entre en jeu, José est en face, regards ardents, échanges de gestes, la ''Habanera'' bat son plein, d'autres morceaux de Bizet (le composteur de Carmen), se font entendre, ''Les pêcheurs de perles'', des passages sévillans, entracte, les 40 minutes sont passées comme un clin d'œil.

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Carmen est foncièrement andalouse, fleurs aux cheveux, robe ample à volants, claquettes, flamenco...

Retour à Séville, les danseurs changent de costumes, tantôt en robes chatoyantes, tantôt en habits de ville, la musique de Bizet mène le rythme, parfois, le chœur envoie un cri qui accompagne une chute, pas davantage, le public s'accroche, le dénouement approche, on trimballe les cages, des pluies de lumières sortent de tous côtés, c'est animé, tragique, tiens!

On entend ''Le Boléro'' de Ravel, «le seul morceau qui n'est pas de Bizet», nous précisera Osipova. Don José, dansé par Raymond Martýnov, Etoile de l'Opéra national de Riga, est au bord de l'effondrement. Fou de jalousie, il bat Carmen à mort. On attend, non sans plaisir, le dénouement. Escamillio, le fier toréador, rival de Don José, est vêtu d'un costume de lumière, veste, gilet et pantalon blanc, vainqueur, il est dansé par Sveto – soliste du Russian National Ballet –, il sort en triomphe de la corrida. Carmen, joué par Galina Hristova, étoile de l'Opera national bulgare, jette la bague à Don José et prononce sa fameuse phrase «Non, je ne t'aime plus». Un tonnerre d'applaudissements jaillit des tribunes.

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