Tetes-raides-Hammamet-Banniere

Un concert, un groupe, une découverte... Les connaisseurs, amateurs et curieux, venus voir à quoi ressemble un concert de chanson française, n'ont pas été déçus.

Par Anouar Hnaïne

Mardi dernier, 5 août 2014, on a découvert que Les Têtes Raides sont pleines et socialement engagées.

Sur les gradins parsemés, quelques petites bandes de jeunes apparemment fans du groupe, des quadras amateurs, publics mélangés qui ont vite fait de se séparer en deux catégories, ceux, nombreux, qui donnaient de la voix et des bravos, qui connaissent les chansons et la poésie chantée par le groupe, et ceux qui ont vite quitté les lieux par ennui ou pour des motifs insondables.

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Un spectacle engagé et enflammé

Année 1980, les Red Ted sont nés en banlieue parisienne, un groupe parmi des dizaine d'autres, dans la foulée du mouvement Punk, musique rock, électrique. En 1987, il change de nom et adopte son nom actuel, Les Têtes Raides. Qui sera mieux connu au moment des élections présidentielles d'avril 2002, en s'engageant notamment aux côtés des mouvements politiques et syndicaux contre le Front national, passé au deuxième tour. On est averti.

Hammamet. En fond de scène, un écran, des images en noir et blanc, scènes psychédéliques, des ratures, des ombres de personnages en mouvement, des tags... Guitares, accordéon, banjo, trompette, piano, cornet, batterie, saxo. La grosse machine, les musiciens sont multi-instrumentistes. Ils s'amusent. Christian Olivier, le chanteur, annonce plutôt un spectacle engagé, et enflammé.

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Le rituel «Bonjour Hammamet», la révolution et puis, il attaque, ''Vers où je vas'', tiré du dernier album. On voit par là qu'on n'est pas dans les normes de la conjugaison ni dans le vocabulaire juste et rigoureux. Suit ''Alice'', douce, des chagrins, de l'amour. Il sera question de beaucoup d'amour pendant le concert et de l'engagement. ''Y en pas un sur cent et pourtant ils existent, la plupart Espagnols''... Le ton est donné, loin des variétés, on écoute ''les Anarchistes'' de Ferré, la résistance, on devine la couleur et la saveur du concert.

Suivent des paroles envoûtantes. On chante les auteurs consacrés, Baudelaire, Verlaine, on ne sort pas de l'auberge, là où il y a de quoi nourrir l'âme : ''Mon carnet, la tâche, mon slip'', etc., et même en anglais ''Bird'', ou la chasse à l'amour dans le ciel en regardant les oiseaux. Des chansons tirées du dernier album, c'est bien exécuté, les instruments se relaient, sans fantaisie mais avec une minutie et des accords précis. Gainsbourg tiens! Et sa version des ''Feuilles mortes''.

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Un peu de nous mêmes

Ça va vite, le temps passe rapidement, et l'accordéon sort de son étui, on se croirait au bord de la Marne, dans un bal musette, ''Ginette'', un air dansant, n'y manque que les canotiers et les petits blancs. ''Ginette'' c'est triste, populaire, mélancolique jusqu'au bout des ongles, à la fois lyrique et sans emphase.

Christian Olivier pousse le mélo et secoue une lampe à incandescence au dessus de sa tête, lumière d'en haut, comme une auréole de saint, ce qui insuffle aux mots un supplément de poésie, on tremble.

Fin de concert. Mais il y a le rappel. Les Tête Raides sont généreux, ils reviennent.

Et comme pour répondre à ''Ginette'', chose absolument inattendue, Christian nous offre ''Gino'', une autre chanson du même genre, désespérée, magique et même magistrale. Ce à quoi nous pouvons ajouter que la soirée nous a nourris. On a retrouvé Boris Vian, Apollinaire... et un peu de nous mêmes.

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