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Hiba, Rahbani, un duo qui fait des heureux, même avec une musique apparemment destinée à la pêche aux auditeurs et qui plait aux catégories d'âge de 7 à 77 ans.

Par Anouar Hnaïne

Une grosse machine d'instruments, lumières étudiées, habits noirs : les musiciens de Oussama Rahbani s'installent à l'heure sur la scène du théâtre de plein air de Hammamet.

Hiba Tawaji, la nouvelle recrue dans l'écurie des Rahbani, taille fine, belle silhouette, entre sous les halos de vapeurs et les chauds applaudissements, robe longue, bleue nuit, élégante et élancée.

La scène a tout d'un décor d'une soirée des Victoires de la Musique, pour ceux qui connaissent le genre.

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Fermant les yeux, on confondrait sa voix avec celle de Faïrouz.

Un trésor de sympathie

C'est la première fois que le duo se produit dans notre pays. A la mesure de l'applaudimètre, il bénéficie d'une bonne appréciation. Il faut encore remarquer et c'est peu dire qu'avec l'aide du nom de Fairouz, l'écurie Rahbani a engrangé un prodigieux trésor de sympathie dans le monde arabe.

Phrases de bienvenue, Hiba entame son spectacle. Oussama, le maître du jeu, ne fait pas dans la dentelle. «La musique des Rahbani est la seule qui a déplacé les foules d'auditeurs, de l'Egypte vers le Liban», dit-il. Et pour ce soir à Hammamet? «Un premier morceau instrumental pour sortir du chahut actuel de la musique arabe...» Gonflé? Il dirige la partie, accompagné de violons, violoncelle, clarinette etc., bref, un orchestre manifestement occidental.

Hiba, prend la relève, une chanson: «Nous devons changer le régime» («Lazem ghaier innidham»). Vaste programme !

Revenons plutôt à ses vocalises, elle saute d'une octave à une autre, avec une apparente aisance. Elle dispose de moyens vocaux solides, et les montre dès la première chanson. On voit par là qu'elle a fréquenté les écoles de chant, ce que confirmera son compositeur, pianiste, manager et mentor. Des romances ''Ya Habibi'' (Mon amour), titre tiré de son récent album portant le même nom, voix doucereuse, berçante. Fermant les yeux, on confondrait sa voix avec celle de Faïrouz. C'est frais, coloré et fleur bleue.

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Hiba et Oussama pendant la conférence de presse d'après concert.

Les chants dela révolution

N'oubliant pas la révolution, Hiba attaque ''Liber Tango'' (Astor Piazzola) réinterprété, ça nous revoie loin dans le temps. La dictature militaire argentine, la contestation argentine, le Fuego du bandonéon de Paizzola.

Rahbani s'éclate sur le piano, il explique, et le public écoute avec l'attention, qu'il faut. Les peuples arabes, l'engagement des années soixante-dix, la démission des intellectuels, l'art... Rahbani affirme sans ambages qu'il est foncièrement engagé... Pour quelle cause? Toutes, principalement arabes, celles du tiers-monde, des indignés, des artistes conscients, contre les Majors des disques, etc., etc., et laisse enfin place à Hiba qui entonne un chant en forme de don aux révolutions arabes. Encore?

Elle poursuit avec un vieux tube de Michel Legrand ''Les moulins de mon cœur'', en arabe, cela donne ''Metl Errih'' (Comme le vent). Cette chanson a été superbement exécutée, il y a quelques années, par Kiri Te Kanawa. Elle est restée comme modèle de réinterprétation. Pouvait-on faire mieux? Hiba, qui fait feu de tout bois (elle est principalement chanteuse, accessoirement comédienne), se met à l'audiovisuel, au théâtre, et ne recule devant aucun obstacle. Elle a repris le relais à la soprano new zélandaise, ses fans apprécieront.
Suivent d'autres morceaux révolutionnaires, l'incontournable Printemps arabe, des extrait de Don Quichotte, Rahbani, toujours, évoque Dulcinée, insiste sur le côté rebelle de ses compostions.

Bonne pâte, le public applaudit, un spectateur déclare à une télé: «Je connais toutes ses chansons, je suis amie avec Hiba sur Facebook».

Hiba, Rahbani, un duo qui fait des heureux, même avec une musique apparemment destinée à la pêche aux auditeurs, qui brasse large, qui plait aux catégories d'âge de 7 à 77 ans.

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Photo souvenir de Kamel Ferjani, directeur du Festival de Hammamet, avec Hiba Tawiji et Oussama Rahbani.

Fin de spectacle et conférence de presse, organisée très tard, où l'on apprendra que les journalistes sont au courant des moindres faits et gestes du duo, questions pointues, parfois anecdotiques.

Rahbani est dans son élément, il répond longuement, parle de bonne musique, évoque même ''Le Sacre du Printemps'' d'Igor Stravinski, qui a fait une révolution dans l'histoire de la musique classique, rêve de paroles trempées dans l'acide. Il déclare : «Vouloir faire de la chanson, de l'art en général, une arme redoutable... Même les chansons d'amour sont révolutionnaires...».

Parole, parole, parole!

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