lerpresse banniere 11 19

''Lerpesse.com'' est un nouveau site de... désinformation, mais qui affirme, ironiquement, communiquer «l'information sérieuse à l'image du pays». Le problème c'est que les lecteurs le prennent au pied de la lettre.

Par Yüsra N. M'hiri

''Lerpesse.com'' est, en fait, un faux-journal, alliant le pastiche et la satire, et qui table sur la paresse des lecteurs tunisiens et leur indigence intellectuelle pour buzzer à volonté.

La méthode fait mouche

Créé sur le modèle de ''The Onion'' (USA) ou le ''Gorafi'' (France) et de pas moins d'une cinquantaine d'autres sites de désinformation de par le monde, ''Lerpresse'' présente des vrais faux scoops, dans un style décalé (ou faussement sérieux), cherchant l'interactivité et l'humour pour détourner les Tunisiens de l'actualité de leur pays, souvent morse ces derniers temps.

Le journal, dont l'identité des promoteurs et des rédacteurs est inconnue, fait le buzz sur la toile avec ses premiers articles mis en ligne. Mais ce qui est encore plus drôle que le contenu des articles, c'est la vitesse folle avec laquelle certains lecteurs les partagent tout en s'alarmant des mauvaises nouvelles annoncées, qui sont, en vérité, totalement inventées.
Il est clair que les lecteurs se laissent d'autant plus piéger par les titres qu'ils font rarement l'effort de lire les articles.

Jusque-là, la méthode fait mouche, mais une fois le site connu pour la diffusion de vraies fausses informations, ses «journalistes» devront faire preuve d'une grande créativité pour espérer séduire encore les internautes avides d'informations et de scoops, fussent-ils complètement inventés.

Un piège à cons

''Lerpesse.com'' suscite des réactions assez contrastées. Certains n'adhèrent pas à sa démarche. D'autres pensent que le moment n'est pas indiqué pour cette pratique décalée de journalisme. D'autres encore estiment qu'il s'agit d'«une grossière manipulation, qui vise à occuper les Tunisiens, à les détourner de leur réalité et à semer ainsi la zizanie dans le pays» (pas moins !).

«C'est trop facile de relayer une nouvelle qui n'en est pas une. On prend ainsi les lecteurs pour des incultes», commente un internaute qui a visiblement été piégé plus d'une fois.

Il aurait pourtant suffit de constater l'aspect grotesque des titres des articles publiés pour comprendre le style décalé du journal. Jugeons-en :

* EXCLUSIF : Mezri Haddad nommé Premier Ministre de la Tunisie.

* Tunisie : Suppression possible de la philosophie des programmes du baccalauréat.

* Ahmed Mestiri déclare n'avoir aucun souvenir d'avoir été en lice pour le poste de 1er ministre.

* Le Qatar propose d'éponger les dettes de la Tunisie contre 20 000 ouvriers pour la Coupe Du Monde 2022.

* Tunisie : Il fête sa 100ème défaite au PromoSport.

* Le Mossad et l'AIPAC ouvrent des bureaux à Tunis.

Mieux encore: une petite phrase dans la notice de présentation du site indique clairement sa démarche : «Une équipe de faux journalistes d'investigation et de charlatans de terrain vous offre courageusement un travail minutieux et rigoureux.»

Mais, depuis les élections du 23 octobre 2011, les Tunisiens, on le sait, adorent se faire piéger. Et avalent tout ce qu'on leur offre.

Mohamed Bennour, porte parole du mouvement Tamarrod, a, pour sa part, posté le commentaire suivant sur sa page Facebook: «''Lerpesse'' est non seulement un journal satirique mais également et surtout un piège à cons vu les réactions de certains internautes. Il faut dire que la vraie révolution serait de lancer le premier journal "0% intox", rêve ô combien inaccessible, pour l'instant...».

Les confrères, qui font souvent de la désinformation sans le savoir, en courant derrière le buzz facile, apprécieront cette pique bien méritée...

L'avis Mohamed Bennour est partagé par plusieurs personnes, qui estiment qu'il est de plus en plus difficile de trouver, aujourd'hui, en Tunisie, un journal en ligne fiable cherchant à informer et non à buzzer idiot, en diffusant des rumeurs colportées sur les réseaux sociaux, sans prendre la précaution de les vérifier comme cela se fait dans toutes les rédactions du monde.