journalistes la presse 9 9

La nomination (et non l'élection) du nouveau rédacteur en chef ''La Presse de Tunisie'', Slaheddine Grichi, a créé un conflit au sein de la rédaction du quotidien public.

Par Yüsra N. M'hiri

Cette démarche a, en effet, irrité une partie de la rédaction, qui a signé une pétition, pour demander de revenir au système de l'élection. Une manifestation a ainsi été organisée ce matin devant le siège du premier journal francophone tunisien pour s'opposer à cette décision régalienne prise unilatéralement par Néjib Ouerghi, le PDG de la Snipe, la société éditrice du journal.

Il y a deux semaines, le rédacteur en chef du journal, Mongi Gharbi, élu démocratiquement en janvier 2011, conformément à l'esprit révolutionnaire régnant à l'époque, a été acculé à présenter sa démission. «Il a jeté l'éponge», disent ironiquement ses confrères.

Pour le remplacer, la direction n'a pas cru devoir revenir au système de l'élection, qui a pourtant été une réussite, et a préféré procéder à la nomination de Slaheddine Grichi, et ce à l'insu d'un certains nombre de journalistes, qui n'ont pas manqué d'exprimer leur mécontentement.

Résultat : la rédaction du quotidien est aujourd'hui divisée. Certains n'ont pas été dérangés par la dernière nomination et ne tiennent pas vraiment au système de l'élection. D'autres y sont très fortement opposés.

journalistes la presse 9 9 2

Les journalistes manifestent devant le siège du journal à Tunis. 

C'est le cas du journaliste Mohamed Hedi Abdellaoui. Selon lui, le système de nomination, qui était en vigueur sous l'ancien régime, est responsable, du moins en partie, de la perte d'indépendance des journaux. Il estime que seules des élections démocratiques et transparentes pourraient permettre de choisir un rédacteur-en-chef accepté par toute l'équipe.

Le journaliste était donc présent, ce matin, avec une vingtaine d'autres de ses camarades, pour manifester devant le siège de ''La Presse'' à Tunis.

Retour en arrière

Interrogé par Kapitalis, il explique, dans un premier temps, que Mongi Gharbi a démissionné à la suite d'un sentiment de «ras-le-bol». «Il devait incessamment faire face à des manœuvres qui l'empêchaient d'assurer correctement ses fonctions. Cette pression, il n'a pas pu la supporter longtemps», a précisé Mohamed Hedi Abdellaoui. Et d'ajouter que les manifestants n'ont rien contre la personne de Slaheddine Grichi, un ancien de la maison dont les qualités professionnelles et humaines ne sont pas mises en cause, mais c'est le retour du système des nominations qui inquiète.

«Le fait de ne pas consulter les journalistes avant de prendre une décision aussi importante que la nomination d'un rédacteur-en-chef est un acte lourd de menaces pour l'avenir, car il pourrait préfigurer un retour en arrière et la mise en place prochainement d'un système de contrôle direct de la ligne éditoriale du journal et la fin de l'indépendance et de la neutralité des journalistes», conclue Mohamed Hedi Abdellaoui, par allusion au passé du journal qui était, durant les années Bourguiba et, surtout, celles de Ben Ali, un simple organe d'information au service du gouvernement et un porte-voix du régime.