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Les journalistes des radios publiques ont observé, mardi, une grève pour défendre les acquis de la liberté d'expression et de l'indépendance de la ligne éditoriale, et éviter de retomber dans la «Benalisation».

Par Yüsra N. M'hiri

Une grève a été observée, mardi, par les journalistes des 9 radios publiques, nationales et régionales, pour protester contre les récentes nominations arbitraires à la tête des médias publics.

Des méthodes autoritaires d'un autre âge

La grève a été décidée par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), en désespoir de cause, après que le PDG de l'Etablissement de Radio Tunisienne (ERT), Mohamed Meddeb, nommé il y a un peu plus d'un an par le parti islamiste Ennahdha, ait opposé une fin de recevoir aux revendications des journalistes.

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"C'est l'argent du peuple: radio publique et non nahdhaouie".

Citoyens et députés étaient présents devant le siège de la Radio Nationale à l'Avenue de la Liberté, à Tunis, pour soutenir la centaine de journalistes grévistes. Ils étaient venus s'indigner des méthodes autoritaires de la direction et de ses ingérences continues dans la ligne éditoriale des radios publiques, dénoncées, par ailleurs, par plusieurs organisations, notamment la très officielle Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), ainsi que par Reporters sans frontières (RSF).

Malgré les protestations des professionnels de l'information et les plaintes des journalistes indépendants, qui refusent les dictats d'une direction clairement partisane, les harcèlements se sont poursuivis et sont même intensifiées ces derniers temps : mesures disciplinaires, interdiction de micro, nominations abusives de gens extérieurs à l'établissement, etc. Résultat : les journalistes ont perdu tout espoir de voir la situation s'améliorer.

«Ce n'est pas notre premier combat, et ce ne sera pas le dernier. On s'était déjà battu suite à la désignation du directeur nahdhaoui à la tête de Radio Tataouine. Mais le gouvernement ne veut rien entendre et poursuit sa politique de nominations arbitraires à la tête des médias publics», explique Najiba Hamrouni, la présidente du syndicat des journalistes.

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Le député Mongi Rahoui: «Il est hors de question d'impliquer les médias publics dans les tiraillements politiques»

L'indépendance des médias publics : un enjeu démocratique

Les députés démissionnaires de l'Assemblée nationale constituante (ANC) étaient également présents pour soutenir les journalistes et pour rappeler l'importance de leur combat pour l'indépendance des médias publics. Mongi Rahoui, du bloc démocratique, explique que «la presse et les médias étant le quatrième pouvoir, il est hors de question de les impliquer dans les tiraillements politiques». Slim Ben Abdessalem estime qu'Ennahdha, «dos au mur, procède à des nominations abusives afin de garder le monopole sur le pays. Et il faut absolument l'en empêcher!».

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Le député Slim Ben Abdessalem: «Ennahdha procède à des nominations abusives afin de garder le monopole sur le pays.»

La direction générale de l'ERT avait rejeté, dimanche, l'appel à la grève des journalistes lancé par la SNJT, et même menacé les grévistes de procéder à la retenue d'une journée sur leur salaire. Les journalistes n'ont pourtant pas manqué à l'appel. Ils sont mus, dans leur majorité, par la même crainte, celle de voir le gouvernement islamiste imposer son contrôle définitif sur les médias publics et imposer peu-à-peu les méthodes de censure et de propagande politiques, qui étaient en vigueur sous l'ancien régime.

Pour Mongi Khadhraoui, secrétaire général du SNJT, il est important de maintenir les acquis, telle que la liberté d'expression et l'indépendance de la ligne éditoriale des médias publics, et de poursuivre le combat, pour ne pas retomber dans ce qu'il nomme la «Benalisation», par allusion au système de contrôle direct des médias imposé par l'ex-président Ben Ali.