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«La mobilité au service de l'information responsable», tel est le thème du 4e «Orange Mobility Forum», dédié à l'Internet comme colonne vertébrale de l'information. Des expériences et des conseils bons à partager et, surtout, à suivre.

Par Zohra Abid

 Deux semaines avant la Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai de chaque année, Orange Tunisie a organisé, jeudi dernier à l'hôtel Sheraton, un forum sur «La mobilité au service de l'information responsable». Un thème de grande actualité et qui impose à la communauté de l'Internet un peu plus d'ordre et d'éthique.

Un mobile, une connexion et des contenus

Des acteurs des médias en général et des médias citoyens en particulier, d'ici et d'ailleurs, ont été invités à exposer leurs expériences personnelles. Et il y a avait à apprendre chez les intervenants, chacun ayant ses secrets de fabrication et ses clés de succès.

Didier Charvet, DG d'Orange Tunisie.

«Nous remercions les hommes et les femmes qui ont préparé en coulisses cette rencontre qui a aujourd'hui un sens», a lancé le journaliste de France 24 Taoufik Mjaïed en s'adressant aux organisateurs de l'Orange Mobility Forum.

Dans son mot de bienvenue, Didier Charvet, directeur général d'Orange Tunisie, a mis la rencontre dans son cadre en évoquant le plus qu'apportent aujourd'hui les nouvelles technologies aux médias pour la diffusion de l'information le plus rapidement possible. «Orange, une entreprise responsable, a toujours aidé le monde des médias à traiter l'information, à la diffuser et à la faire circuler en temps réel», a dit M. Charvet.

L'Etat au service des internautes au moindre coût

Selon Didier Charvet, les sources d'information sont aujourd'hui multiples et «le mobile demeure un outil indispensable pour diffuser et échanger l'information en temps réel».

Mongi Marzoug, ministre des Technologies de l'information et de la communicaton.

Le champ offert par les nouvelles technologies de l'information et de la communication est, par ailleurs, très vaste, et le journalisme citoyen est désormais impliqué dans tous les domaines: de l'économie à la politique, et de l'environnement à la culture, en passant par les secteurs social et du mécénat...

Mongi Marzouk, ministre des Technologies de l'information et de la communication, a évoqué, pour sa part, le rôle joué par son département pour le développement des nouvelles technologies de la communication en vue de rapprocher les distances, faciliter l'accès à l'information, accélérer et généraliser sa diffusion et réduire ses coûts.

Julien Robert (Citizenside.com).

Selon le ministre «le mobile est aujourd'hui un outil indispensable au service de l'information responsable». «Le gouvernement cherche, avec les trois opérateurs existants, à améliorer en permanence les services de la communication en termes d'infrastructure réseau et de mobilité 3G», a assuré M. Marzoug.

''Citizenside.com'' ou l'actualité en réseau instantanée

Julien Robert, co-fondateur et directeur des systèmes d'information et de ''Citizenside.com'', première communauté photo/vidéo de témoins d'actualité, a passé en revue les différentes étapes traversées par son site qui a révolutionné les médias traditionnels.

Pour l'ingénieur, l'aventure a commencé en 2005 alors qu'il était étudiant en Angleterre. «Le projet Citizenside.com est né il y a 7 ans sur une feuille blanche. Avec un cousin, qui est un commercial connaissant bien le monde des médias, nous avons pensé à associer nos compétences pour aller chercher de l'info partout où elle est et lui assurer la plus grande diffusion», raconte Julien Robert, la trentaine et un look d'étudiant fort el maths.

En 2006, la plateforme ''Citizenside.com'' a pris son envol et est même devenue, au fil des jours, le leader des médias citoyens. ''Citizenside.com'' fournit aujourd'hui de grands médias en informations, photos et vidéos recueillies par ses réseaux de journalistes citoyens disséminés partout dans le monde. «Nous avons plus de 150.000 contributions, 80.000 photos et vidéos et 135.000 membres», s'enorgueillit Julien Robert. Son entreprise commercialise ses produits après des médias professionnels, agences ou autres particuliers (Afp, Métro, RTL, Le Parisien) et redistribue 65% des recettes ainsi engrangées aux propriétaires des droits (images et vidéos).

Mounir Rochdi (Agoravox).

«Nous recevons dans les 1000 vidéos par jour. Outre les photos et vidéo, nous commercialisons aussi des logiciels et des plateformes technologiques. Aujourd'hui, des éditeurs font appels à nos photos pour illustrer des livres», indique encore Julien Robert, qui pense déjà à diversifier les activités de sa start-up.

«Agoravox appartient à tout le monde»

Mounir Rochdi, co-fondateur d'Agoravox, l'une des premières initiatives européennes de journalisme citoyen à grande échelle complètement gratuite, a évoqué un autre parcours misant sur les contributions spontanées des auteurs. «Des amateurs ou professionnels écrivent des articles qu'ils nous font parvenir et c'est grâce au vote par l'équipe de rédacteurs, que ces articles sont (ou non) validés et publiés», a-t-il expliqué. Et d'ajouter : «Le portail reçoit aujourd'hui une moyenne de 300 articles par jour».

Hamida El Bour (Ipsi).

«800.000 citoyens reporters ont collaboré avec le portail, visité par plus de 2 millions de personnes, contre 5 millions de pages vues par mois», indique M. Rochdi.

Pour répondre au goût des visiteurs, Agoravox, lancé en 2005, a dû changer de look plusieurs fois. En 2006, il s'est professionnalisé et «en 2008, les vidéos et les sons ont été introduits». Aujourd'hui, «la Tunisie est le 8e pays au monde à visiter le portail», lance en conclusion l'intervenant.

A quand le journalisme éthique et responsable?

Hamida El Bour, professeur à l'Institut de presse et des sciences de l'information (Ipsi), est revenue sur l'éthique d'Internet et la fiabilité de l'information sur le web en général et sur les réseaux sociaux en particulier. Selon elle, les médias citoyens en Tunisie se sont imposés au cours de la révolution (17 décembre 2010-14 janvier 2011). «Alors qu'on vivait encore sous la censure de la dictature, il y a eu une grande soif d'informations et tout était alors diffusé sur les réseaux sociaux. C'était l'espace où circulait une information plutôt cacophonique et des images à l'état brut», a rappelé l'universitaire.

Mme El Bour a notamment souligné que dans l'espace ouvert de l'Internet, le consommateur devient lui même producteur d'informations, mais il n'obéit pas souvent aux règles déontologiques et juridiques du métier. D'où le danger des dérapages de toutes sortes : diffusion de fausses nouvelles, atteinte à la vie personnelle, diffamations et injures... «Si un journaliste est tenu de vérifier son information et de faire les regroupements nécessaires pour l'authentifier, un simple citoyen ne s'encombre pas toujours de ces exigences», a déploré Mme El Bour.

Aussi, face au flot d'infos non vérifiables sur Internet, y a-t-il aujourd'hui un manque de loi et d'encadrement permettant de réguler ce flot. C'est là le principal problème actuel du journalisme citoyen...

Slim Ayadi (réseau Burnous).

Le réseau Burnous né dans le giron de la misère

Slim Ayadi, blogueur et journaliste citoyen, fondateur du réseau Burnous, a parlé de ses déambulations dans le tréfonds du pays d'où il a tiré des images fortes de la misère au quotidien. Son but : témoigner, montrer, donner à voir, à comprendre et à réfléchir. C'est ainsi que l'on peut aider les gens.

«Mal rasé, l'ordinateur sous le bras, j'avais souvent du mal à trouver une connexion Internet à Sidi Bouzid, où il n'y a ni 3G ni Flybox. Là-bas, comme dans les régions perdues du nord-ouest, j'ai tenu à prendre en photos des hommes et des femmes qui racontent des vies. Je suis sur le terrain. C'est mon business, ma conscience et mon seul souci : l'information. Mes vidéos et mes images ont fait aujourd'hui le tour du monde grâce à des Ong», raconte Slim Ayadi avec un enthousiasme qui lui a valu les applaudissements chaleureux des présents.

Christophe Aguiton (Orange Labs).

Espace privé, espace public...

Christophe Aguiton, chercheur en sciences sociales à Orange Labs, a eu la lourde tâche de clôturer le forum. Il a préféré mettre l'accent sur les concepts d'espace public et d'espace privé. Selon lui, l'espace public est une sphère ouverte à toutes les expressions. L'information y est sacrée. L'espace privé, celui de la vie privée, est considéré lui aussi comme étant sacré, inviolable. Ce qui pose un problème aux médias.

«Les photos de presse pourraient porter préjudice à certaines gens qui, droit à l'image oblige, sont en droit de refuser que leur vie privée soit partagée dans un espace à ciel ouvert», expliqué M. Aguiton. Qui admet que «les débats sur les réseau sociaux sont une zone grise, entre le privé et l'espace social». Aussi, la question qui s'impose, aujourd'hui, est-elle de savoir comment protéger cette zone grise.