Jalloul Ayed Banniere

Jalloul Ayed, candidat tunisien à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), croit en ses chances et affiche un optimisme de bon aloi.

Par Wjdi M'Saed

Au cours d'un point de presse, jeudi 30 avril 2015, à Tunis, l'ancien ministre des Finances a présenté les grandes lignes de sa stratégie pour la conquête du poste tant convoité. Son optimisme est justifié par plusieurs facteurs qui militent en sa faveur.

D'abord, Jalloul Ayed est le candidat de son pays, la Tunisie, toute la Tunisie, puisqu'il bénéficie du soutien des instances officielles et à leur tête le président de la république. Il a, d'ailleurs, exprimé sa fierté d'avoir été choisi pour ce poste et sa reconnaissance pour les efforts déployés par ses compatriotes pour soutenir sa candidature.

Un enfant de l'Afrique

L'ex-banquier bénéficie aussi de l'appui de la société civile tunisienne, dont le rôle, a-t-il dit, s'est accru depuis la révolution. «Son appui était d'une spontanéité telle qu'il pourrait constituer un atout supplémentaire», a-t-il dit. Et d'ajouter : «Il y a même des groupes qui se sont portés volontaires pour contribuer au financement de la campagne électorale. Cela c'est la Tunisie postrévolutionnaire et cela me donne des ailes pour continuer sur le chemin du succès».

Enfant de l'Africa ou Ifriqya, noms antiques de la Tunisie, pays qui a donné son nom à tout le continent, Jalloul Ayed est, par ailleurs, un enfant de l'Afrique, toute l'Afrique, imprégné de sa culture et de ses valeurs, grand connaisseur de ses particularités et des défis qu'elle affronte dans sa marche pour le développement.

Banquier international, conférencier en finance et expert en économie, il a une ample connaissance des réalités du continent, à travers les fonctions qu'il a occupées au Maroc, au sein du Groupe BMCE.

Persuadé que l'avenir de ce fleuron de la finance marocaine réside en Afrique, il avait lancé, dès 2002, les activités de BMCE-Capital en Afrique de l'Ouest et en Afrique Centrale, en créant des filiales au Sénégal et au Cameroun.

Par la suite, il a formulé une stratégie africaine basée sur deux principaux axes, à savoir une présence élargie dans le continent africain et la création d'une nouvelle banque d'investissement basée à Londres et appelée à focaliser ses activités exclusivement sur l'Afrique.

Outre ses activités à Citibank, Jalloul Ayed a consolidé son expérience personnelle dans le secteur privé par un apport public et gouvernemental, grâce à un passage fructueux à la tête du ministère tunisien des Finances, où il a brillé surtout par la préparation et la supervision du «Plan Jasmin», programme économique et social que la Tunisie a présenté au sommet du G8, dans le cadre du partenariat de Deauville, en 2011.

Fort de la maîtrise de trois langues (l'anglais, le français et l'arabe), Jalloul Ayed précise que la langue arabe, bien que non officielle au sein de la BAD, peut lui être d'une grande utilité dans les contacts avec les pays arabes du continent, mais aussi et surtout les pays du Golfe, qui portent désormais un intérêt particulier au continent africain.

Le Tunisien, qui entame la compétition avec 7 autres candidats représentant le Cap Vert, l'Ethiopie, le Mali, le Nigéria, le Sierra Leone, le Tchad et le Zimbabwe, espère avoir le soutien des pays nord-africains qui détiennent, à eux seuls, 19% du capital de la banque, ce qui équivaut à 30 des 60% que détiennent tous les pays africains membres, sachant que les 40% restants représentent la quote-part des pays non-africains.

Quid de ces derniers? «Je n'ai enregistré aucun engagement de leur part, mais je peux compter sur mon expérience professionnelle, sur mes connaissances et sur l'estime dont je bénéficie dans ces pays où j'entame une série de visites pour mener à bien ma campagne de sensibilisation», répond-t-il.

Une stratégie basée sur 3 piliers

Cette campagne a débuté il y a plus d'un an et va se poursuivre jusqu'au 27 mai, la veille même de l'élection. Il aura à présenter, expliquer et communiquer, à qui de droit, le contenu de la stratégie qu'il a élaborée pour relancer les activités de la banque et qui repose sur 4 éléments essentiels.

Le premier concerne la bonne gouvernance, considérée comme une condition sine-qua-non pour la réussite de toute politique nationale de développement économique et social, «comme l'ont confirmé les résultats des dernières élections au Nigéria», a-t-il fait remarquer.

Jalloul Ayed met aussi en exergue le grand déficit enregistré par les pays africains dans le domaine des infrastructures, 2e élément de sa stratégie, pour lequel la BAD prévoit un budget d'environ 100 milliards de dollars par an, et ce compte tenu de l'importance que revêt ce secteur dans la marche de toute politique de développement.

3e élément, le secteur privé est considéré comme étant la pierre angulaire de la croissance économique. Le candidat tunisien compte élargir la définition de ce secteur pour l'adapter aux réalités de l'Afrique, grâce notamment à un soutien renforcé aux petites et moyennes entreprises et, surtout, aux micro-entreprises, qui devraient disposer d'un accompagnement et d'un financement adéquats.

«Pour que le secteur privé puisse assurer la croissance escomptée, l'Etat doit l'appuyer en mettant en place les conditions propices à son épanouissement», précise Jalloul Ayed, qui souligne le nécessaire appui de la BAD au partenariat public privé (PPP). «Ce qui implique la refonte du système financier, afin qu'il soit fort sur tous les vecteurs, et la création de marchés de capitaux, surtout que l'Afrique peut compter sur elle-même, eu égard au stock de capitaux dont elle dispose et qu'il faut fructifier à bon escient pour assurer son développement», a-t-ilencore expliqué.

Last but not least, le capital humain est et restera le principal facteur dans la réussite d'une politique de développement. «Certes, beaucoup de pays africains sont encore fragiles et doivent rattraper leur retard dans beaucoup de domaines, mais il ne faut pas oublier que les 10 pays qui ont connu les plus hauts taux de croissance ces dernières années appartiennent au continent africain», a fait remarquer Jalloul Ayed. Et d'ajouter: «Autant dire que l'Afrique est capable de réaliser des miracles, surtout avec les nouvelles générations de compétences qui doivent trouver auprès de la BAD toute la sollicitude nécessaire. Cet espoir, la BAD doit agir pour qu'il devienne réalité».

Croissance, équité et pérennité

La Tunisie va-t-elle enfin avoir, grâce à Jalloul Ayed, la présidence de la première banque africaine, qui est l'un de ses principaux bailleurs de fonds et dont elle a abrité le siège provisoire, entre 2003 et 2014 ?

Le candidat tunisien, grand professionnel de la banque et de la finance, y croit, d'autant qu'il bénéficie du soutien actif de l'Etat tunisien, qui a commencé à envoyer des émissaires dans les pays concernés pour faire campagne pour M. Ayed. Les membres du gouvernement, et notamment le ministre des Finance, Slim Chaker, distribuent les dépliants de communication du candidat tunisien lors de leurs missions à l'étranger.

Signe aussi du soutien de la société civile tunisienne à cette candidature, la présence, lors du point de presse, de représentant(e)s de plusieurs organisations et associations, notamment celle de l'Union nationale des femmes tunisienne (UNFT) venue manifester son soutien à M. Ayed et insister sur le rôle grandissant de la femme africaine dans le processus de développement socio-économique solidaire du continent. «La dimension culturelle n'est pas à négliger», a-t-elle lancé. Réponse de M. Ayed: «Je conçois la culture comme un atout majeur de l'Afrique sur le chemin difficile du développement social, de la lutte contre la pauvreté et pour la création d'emplois pérennes, en particulier parmi les femmes et les jeunes».

Et le candidat tunisien de conclure avec cette phrase qui peut résumer son programme : «Toute politique économique doit être inclusive pour que croissance rime avec équité et pérennité».

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