Climat des Affaires

Mehdi Jomaa peut s'en féliciter: l'action de son gouvernement, qui a dirigé la Tunisie durant l'année écoulée, semble avoir redonné espoir aux chefs d'entreprises.

Par Nabil Ben Ameur

En effet, d'après l'enquête sur la compétitivité 2014 de l'Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (Itceq), les patrons sont relativement optimistes quant à l'évolution de l'activité de leurs entreprises en 2015. 44% d'entre eux en prévoient l'augmentation de leurs chiffres d'affaires, contre 32% qui demeurent incertains à ce sujet. Le même sentiment d'incertitude se retrouve chez 36% d'entre eux en ce qui concerne l'évolution de leur secteur d'activité.

Côté emploi, 25% des chefs d'entreprises comptent recruter, alors que 30% ne savent pas s'ils vont le faire, et 43% n'ont pas l'intention d'engager des diplômés du supérieur. Plus rassurant encore, 52% des patrons ont l'intention d'investir à moyen et à long termes, et 77% entendent le faire là où ils sont déjà implantés, ce qui, selon un responsable de l'Itceq, veut dire que les entreprise ne vont pas aller dans les régions de l'intérieur. Ce qui n'est pas, à proprement parler, une bonne nouvelle.

Perceptions contrastées du climat des affaires

Au total, l'indicateur de perception du climat des affaires (Ipca) s'est légèrement amélioré, note Habib Zitouna, directeur général de l'Itceq, en passant de 0,629% en 2013 à 0,641% en 2014.

Toutefois, les paramètres de cet indice ne sont pas tous perçus de la même manière par les chefs d'entreprises sondés.

L'opinion la plus favorable a trait à la fiscalité car les réformes amorcées en 2014 –notamment la baisse du taux d'imposition de 35 à 25% – ont eu pour effet d'améliorer la perception de ce paramètre. Idem pour les infrastructures dont «la perception a été globalement favorable reflétant les efforts menés, jusqu'à présent par les pouvoirs publics». Sauf pour le transport qui a vu le nombre d'entreprises le considérant comme «une contrainte majeure» passer de 26% en 2013 à 29% en 2014.

Les récriminations des chefs d'entreprises concernent également la sécurité, l'accès au financement et ses conditions, les procédures administratives – et douanières en particulier – et les ressources humaines.

Sécurité, d'abord. En dépit d'une légère amélioration de la perception, l'insécurité continue à figurer – avec la corruption et le financement – parmi les «contraintes les plus sévères auxquelles les entreprises sont confrontées.

Au cours du 1er semestre 2014, elle a été à l'origine de la suspension de l'activité de 6,5% des entreprises (contre 7% durant la même période de 2013).

Financement bancaire, ensuite. En raison du taux d'intérêt, des garanties et autofinancement maintenus ou durci, le taux d'entreprises voyant le financement bancaire comme une crainte a grimpé de 38 à 40%, même si dans le même temps on a l'impression que l'accès au crédit s'est amélioré (le taux est passé de 28 à 27%).

L'administration et la douane sur la sellette

Troisième paramètre, les procédures administratives en général et douanières en particulier continue à alimenter la colère des entrepreneurs.

D'après les déclarations des chefs d'entreprises interrogés, le délai de dédouanement s'établit à 14,5 jours – dont 5 pour l'acconage et la manutention, 4 pour le contrôle technique et 5,5 pour les formalités douanières proprement dites. A quoi s'ajoutent, bien sûr, les problèmes de corruption.

D'après l'enquête, les demandes de «paiements non-officiels» proviennent en premier de la douane (36%), mais également des autres services publics, dont l'inspection et le contrôle (18%), des marchés publics (15%) et du système judiciaire (11%).

Les pratiques du marché sont plus mal perçues, tant en ce qui concerne le marché parallèle (35% d'avis négatif, contre 29% en 2013), la concurrence déloyale (37% contre 32% en 2013) et les pratiques anticoncurrentielles (31% contre 27% en 2013).

Autre paramètre de l'Ipca, les ressources humaines ne sont pas mieux perçues. En plus de l'absentéisme, les chefs d'entreprises se plaignent de la difficulté à trouver le profil adéquat : -27% des entreprises déclarent avoir des postes vacants pour cette raison.

Enfin, en ce qui concerne l'instabilité politique – paramètre introduit pour la première fois –, 54% des chefs d'entreprises estiment, qu'elle impacte négativement leur activité et 41% lui imputent le fait de ne pas avoir réalisé d'investissement en 2014, fait encore observer M Zitouna.

L'enquête de l'Itceq ayant été réalisée entre le 15 septembre et le 30 octobre 2014, c'est-à-dire avant la fin du marathon électoral qui a permis de doter la Tunisie de son premier gouvernement stable, le tableau de bord qu'il renvoie est forcément quelque peu déphasé.

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