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Lorsque les clignotants de l'économie sont au rouge et les moteurs de la croissance arrêtés, il faut impérativement changer de modèle de développement et passer aux réformes.

Par Zohra Abid

Politiciens, hommes d'affaires, experts et représentants de think-tanks de Tunisie et d'ailleurs, réunis au Tunis Economic Forum, organisé jeudi 12 mars 2015 par l'Institut arabe des chefs d'entreprises (Iace) à son siège aux Berges du Lac à Tunis, ont débattu des questions clés de portée macroéconomique et des différentes solutions possibles pour la relance de la machine de production.
Des réformes radicales s'imposent

Tous les intervenants ont plaidé pour la mise en route d'une série de réformes radicales, sans lesquelles il n'y aura pas d'investissements. Des études réalisées par différents organismes nationaux et internationaux sont d'accord sur ce point: sans réformes, il n'y aura ni investissement, ni croissance, ni création d'emplois, et la stabilité sociale ne sera pas pour demain.

 Habib Essid au Tunis Economic Forum

Habib Essid: «Toutes les parties sont responsables et concernées par les réformes, car il y va de l'intérêt général».

«La période de transition politique en Tunisie s'est achevée et la 2e république est née. Une nouvelle assemblée nationale et un nouveau gouvernement sont en place. Le principal défi des dirigeants politiques de cette 2e république serait d'entamer des réformes innovantes qui répondront aux attentes des Tunisiens», a lancé l'homme d'affaires Ahmed Bouzguenda, président de l'Iace, dans son mot de bienvenue, soulignant que «les solutions étroites ne peuvent pas répondre à un aussi vaste problème» et que de «profondes réformes structurelles s'imposent».

Le chef du gouvernement Habib Essid a indiqué, de son côté, que toutes les parties sont responsables et concernées par les réformes, car il y va de l'intérêt général.

«Nous avons identifié les problèmes et les réformes radicales nécessaires pour y remédier. Nous devons tous nous y mettre, pour espérer inverser la tendance», a-t-il martelé.

Tunis Economic Forum

Tous les intervenants sont unanimes sur un point : l'heure est grave et il n'y a plus de temps à perdre. 

Comment redresser la barre?

Comment relancer l'économie? Est-il vraiment possible de mettre en place, du jour au lendemain, un plan d'action pour changer un modèle économique en place depuis plus de 30 ans? Tous les acteurs sont-ils prêts à accepter les réformes préconisées, surtout ceux qui devraient faire des sacrifices ou attendre des bénéfices à très long terme?

Tout en incitant à la réflexion, ces questions, qui taraudaient les participants, ne devraient pas servir de prétexte à l'inaction, car le temps presse et il faut passer à l'acte sans plus tarder. «Les réformes n'auront pas lieu du jour au lendemain, surtout lorsque, de temps à autre, des crises éclatent dans les régions. Comment faire plus, mieux et vite? En mettant en route dès à présent le processus des réformes, nécessaire pour passer d'un modèle économique à un autre. La loi des finances n'est qu'un outil parmi d'autres pour réformer notre économie. Il y a aussi le plan d'action du gouvernement pour les 5 prochaines années. Reste la question lancinante : par quoi commencer? Donner et définir l'échelle des priorités», a expliqué Slim Chaker, ministre de l'Economie et des Finances Slim Chaker, visiblement décidé à aller de l'avant dans la mise en route des réformes, en commençant par la Loi des finances complémentaire. Certaines dispositions de cette loi vont déplaire à certains, mais ce n'est pas une raison pour tergiverser.

Le plan d'actions du gouvernement pour les 5 prochaines années sera prêt au cours du 2e semestre 2015 et une note générale sur les grandes lignes de ce plan sera prête avant le mois de juin, a-t-il encore précisé. 

Cesser de lancer de mauvais signaux

Dans un pays en pleine mutation et qui compte près de 800.000 chômeurs et un sureffectif de 630.000 salariés dans la fonction publique, il n'est pas facile de créer des emplois et, surtout, de les préserver. «Il est facile aujourd'hui d'allumer des incendies partout et d'envoyer ainsi de mauvais signaux», a lancé Slim Chaker, par allusion aux mouvements sociaux (grèves, sit-in, marches de protestation, arrêt de la production dans divers sites industriels, etc.), qui ralentissement la machine de production et, surtout, envoient des signaux négatifs à la communauté des bailleurs de fonds et des investisseurs, dont le soutien financier est nécessaire pour aider l'économie tunisienne à se réformer et à reprendre le chemin d'une croissance inclusive, a souligné le ministre, comme pour rappeler les partenaires sociaux à leurs responsabilités en cette phase délicate et décisive pour le redressement de la situation dans le pays.

«Chacun est appelé à contribuer à lancer des messages forts et rassurants sur l'expérience tunisienne... autrement ça risque de peser lourdement sur les chances d'accès au financement étranger et d'attraction des investisseurs», a conclu le ministre.

Tunis Economic Forum 2015

La journée d'intense débat a porté sur le contenu des réformes à mettre en route, l'ampleur des défis à relever, les arbitrages douloureux à consentir et les multiples voies de sortie de la crise.

Le gouvernement doit oser

Pour Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica, tout le monde est conscient de la gravité de l'état des lieux actuel. «La situation économique est grave. Nous sommes tous obligés de nous mettre au travail. Nous n'avons plus droit à l'erreur», a-t-elle lancé.

«Qu'avons-nous fait pour les jeunes sans emploi? Nous avons un petit pays avec peu de ressources et nous avons besoin d'un gouvernement qui arrête de tergiverser et ose mettre en oeuvre les réformes nécessaires. Arrêtons de parler! Nous avons déjà perdu 4 ans. Nous risquons de perdre nos parts de marché. Si nous voulons avancer et donner de l'espoir, nous devons mettre en place ces réformes sans plus tarder. Sinon quelqu'un d'autre prendra notre place»», a-t-elle enchaîné dans un élan d'autocritique, tout en rappelant, au passage, que «ce sont les sociétés privées qui créent des richesses et participent à l'épanouissement économique».

Une manière de rappeler aux décideurs publics les éternelles doléances des opérateurs privés: moins de paperasses, plus de transparence et, surtout, un vrai combat contre la corruption, la contrebande et le marché parallèle, des fléaux qui minent l'économie nationale.

La journée d'intense débat a porté sur le contenu des réformes à mettre en route, l'ampleur des défis à relever, les arbitrages douloureux à consentir et les multiples voies de sortie de la crise. Tous les intervenants étaient cependant unanimes sur un point : l'heure est grave et il n'y a plus de temps à perdre. Toutes les parties-prenantes (décideurs politiques, opérateurs économiques, travailleurs...) doivent arrêter de tourner en rond, car elles ont toutes le dos au mur.

«Avant de lancer les réformes, il faut bien étudier la situation et se donner des objectifs qui tiennent la route, grâce à un arbitrage rigoureux entre toutes les parties-prenantes : celles qui vont perdre et celles qui vont gagner, de manière à ce qu'à la fin, toutes y trouvent leur compte», a averti l'universitaire Sofiane Ghali.

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