«Plus de 500 projets, programmés dans les différentes régions du pays, sont bloqués, dont certains depuis 2009, alors que leurs financements sont disponibles».
C’est ce qu’a indiqué Mourad Hattab, expert en gestion des risques économiques, dans un entretien avec l'agence Tap, ajoutant que la plupart de ces projets concernent l'infrastructure, tels que les autoroutes Oued Zarga-Boussalem, Sfax-Gabès et Gabès-Médenine-Ras Jédir, ou l’environnement, comme la dépollution du golfe de Gabès. Selon l'expert, les régions sont confrontées au problème de «la faiblesse du taux de réalisation des projets, qui n'a guère dépassé 30%, depuis 2012, alors qu'il se situait à 70% avant la révolution». «Les fonds réservés au développement varient entre 4.000 et 5.000 millions de dinars (MD) par an, mais les régions ne bénéficient, réellement, que du tiers de ce montant», a encore précisé Mourad Hattab. Un problème de gouvernance «La ‘‘troïka’’ (ex-coalition gouvernementale dominée par le parti islamiste Ennahdha, NDLR) avait justifié ce faible taux de réalisation par les grèves et sit-in, les lourdeurs de l'administration tunisienne et les défaillances des soumissionnaires des marchés publics», a fait remarquer l’expert, estimant que «les sit-in et les grèves n'expliquent pas tout. Pas plus que la bureaucratie, puisque le système de gestion des marchés publics en Tunisie est parmi les meilleurs en Afrique et en Méditerranée». «Les retards de réalisation des projets prouve l’existence d’un problème de gouvernance», a-t-il souligné, faisant état, aussi, d'un problème de gestion budgétaire, puisque «le budget de développement est souvent transféré, en partie, vers le budget de fonctionnement. En 2013, on a recensé plus de 2.000 opérations de transfert, ce qui est illégal, dans la mesure où toute opération doit être autorisée par un accord parlementaire, ce qui n'était pas le cas». Partant de la conviction que les régions sont le réservoir des richesses du pays, M. Hattab a souligné l'impératif d'impulser le développement régional. Pour cela, a-t-il préconisé, il convient de redéfinir les projets prioritaires dans chaque région, notamment ceux qui concernent l'infrastructure, l’environnement et la dépollution. Il est indispensable, également, d'après lui, de «lancer les projets à fort potentiel d'emploi en prenant en considération les spécificités de chaque région, afin de booster toute la chaîne de valeurs». Triplement de la migration interne en 2 ans «Il faut tout d'abord freiner les mouvements d’exode interne, qui se traduit un état de délabrement total dans certaines régions», déplore Mourad. Le nombre de ces migrants de l’intérieur a triplé en 2 ans, passant de 51.000 personnes à fin 2012, à 159.000 en 2014. Si cette tendance se poursuit, on sera confronté à un phénomène de dépeuplement des régions concernées, d'autant que le renouvellement démographique des générations est menacé, dans nombre d’entre elles. Rappelons que le recensement de 2014 a fait état d'une croissance négative du nombre d'habitants dans les gouvernorats de Siliana (centre), Kef et Jendouba (nord-ouest). «Nous devons essayer de fixer les populations dans leurs régions, afin d'assurer la pérennité de chaque m2 de la Tunisie», a fait savoir M. Hattab. «La déconcentration de la prise de décision, de financement et de réalisation des projets régionaux est une autre mesure primordiale pour cette étape. Elle implique, obligatoirement, de garantir une meilleure coordination entre les communes, les premiers responsables au niveau des régions et les pouvoirs centraux», a ajouté l’expert. Il faut aussi offrir, parallèlement, aux investisseurs, locaux et étrangers, les garanties nécessaires pour les encourager à s'implanter dans les régions. Il s'agit de leur assurer, essentiellement, la sécurité, le climat social et la rentabilité, liée surtout à l'amélioration de l'infrastructure. Un système d'investissement adapté «Le transport est un handicap majeur pour le développement régional. Si on réduit son coût de 15%, on pourrait désenclaver 60% des régions tunisiennes», estime encore l’expert. Mourad Hattab souligne, par ailleurs, l'impératif d'améliorer le taux de réalisation des projets, en 2015, qui doit être, obligatoirement, une année de relance économique aussi bien au niveau des régions que dans tout le pays. Il suggère, à cet effet, la création de banques régionales de taille moyenne, gérées par des personnes originaires des régions, qui en maîtrisent le contexte et en connaissent les spécificités, les problèmes et les vrais challenges. M. Hattab appelle, dans ce même contexte, à doter les régions d'un système d'investissement adapté à la taille et à la richesse de chaque région, en encourageant l'installation de sociétés d'investissement à capital fixe, variable et à risque. Le partenariat public-privé (PPP) serait, aussi, selon lui, une solution pour impulser la croissance dans les régions, car il rend possible le financement des grands projets et en garantit la rentabilité. Aussi faut-il accélérer l'adoption du projet de loi relatif au PPP par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), tout en s'inspirant des textes en vigueur dans des pays similaires à la Tunisie, à l'instar du Maroc. I. B. (avec Tap). |
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