Exploitation-petroleLa prospection et la production des hydrocarbures en Tunisie fait face à de grosses difficultés structurelles. Les experts tirent de nouveau la sonnette d’alarme.

Les investissements réalisés dans le domaine de la prospection et de la production des hydrocarbures en Tunisie n’ont pas dépassé 178 millions US$ jusqu'à fin novembre 2014, soit 22% de la totalité des investissements programmés (795 US$).

Régression sur toute la ligne

Ridha Bouzaouada, directeur général de l'énergie au ministère de l'Industrie, de l'Energie et des Mines a fait savoir, dans une déclaration à l'agence Tap, qu'en 2013, le volume d'investissement réalisé dans ce domaine a atteint 848 US$.

Cette importante régression est due, selon lui, à certaines difficultés que le secteur a rencontrées à la fin de l'année 2013 et au 1er semestre de 2014, qui se sont traduits par la baisse du nombre de permis octroyés.

Ces derniers ont atteint, jusqu'à fin novembre 2014, le nombre de 40 (38 d'exploration et 2 de prospection), contre 45 à la même période de 2013.

L'année 2014 a été marquée par le forage de 3 puits d'exploration et 8 autres de développement, contre, respectivement, 13 et 11 puits en 2013, ajoute le responsable, qui impute cette régression à la réticence de certaines sociétés à investir en Tunisie, en raison de l'absence d'une vision politique claire leur assurant la stabilité et les encourageant à s’engager.

La fragilité de la situation sécuritaire, la multiplication des grèves et les tensions sociales dans le pays n’ont rien arrangé.

Cette situation a poussé d'autres sociétés à recourir à la règle de «la force majeure», prévue par les conventions pétrolières, pour résilier des contrats et licencier leurs employés.

La nouvelle constitution s’en mêle

Selon M. Bouzaouada, cette situation est imputable aussi aux mauvaises interprétations de l'article 13 de la constitution, qui stipule que «les ressources naturelles sont la propriété du peuple tunisien, que la souveraineté de l'Etat sur ces ressources est exercée en son nom et que les contrats d'investissement relatifs à ces ressources sont soumis à une commission spécialisée au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP)».

D’où les problèmes juridiques liés, notamment, à l'ambiguïté des procédures spécifiques à l'octroi, à l'extension et au renouvellement des permis, qui ont provoqué des entraves et des retards dans les programmes d'investissement et de réalisation des travaux.

L'activité de prospection et de production des hydrocarbures a néanmoins repris son rythme normal à partir d'août 2014, en s'appuyant sur l'avis du tribunal administratif pour ce qui concerne les questions procédurales, a indiqué M. Bouzaouada, ajoutant que la commission de l'énergie, relevant de l'ex-Assemblée nationale constituante (ANC), n'a pas approuvé la prolongation de la durée de validité de certains permis de recherche, qui ne sont pas soumis aux dispositions du code des hydrocarbures et à l’examen final par l'ANC.

Ces permis sont, notamment, ceux de Zarat (comprenant les explorations Zarat et Ulysse), d'Amilcar (explorations de Jugurtha, Salammbo et Borj El Khadhra, où se trouvent les explorations Nakhil et Bochra.) Ce qui a entraîné plusieurs difficultés, notamment l'arrêt ou le retard du développement de ces explorations.

M. Bouzaouada a, en outre, estimé que ces permis risquent d'être annulés et d’entraîner, par conséquent, des difficultés pour leur développement. D'où le possible recours à l'arbitrage international par les propriétaires des sociétés, recours qui pourrait coûter à l'Etat des pertes importantes, porter atteinte à l’image du pays et y limiter les opportunités d'investissements.

Impacts négatifs de la baisse des cours du pétrole

Le responsable a souligné, par ailleurs, les conséquences de la baisse des prix des carburants à l'échelle internationale, qui aura un impact positif sur le budget de l'Etat ainsi que sur la subvention, mais aussi des retombées négatives, à travers la baisse de l'investissement dans le domaine de l'énergie et du budget des sociétés pétrolières, induisant à terme une baisse de rentabilité de l'investissement dans les petites explorations.

Cette évolution pourrait, dans certains cas, inciter des entreprises à arrêter la production au niveau de certains champs ayant déjà atteint leur limite économique, faire baisser la valeur des titres de certaines sociétés cotées sur les bourses internationales, ce qui les obligerait à reporter leurs programmes en Tunisie.

Pour toutes ces raisons, les experts appellent le gouvernement et l'assemblée à réfléchir sur la mise en œuvre de nouvelles stratégies et réformes à moyen terme pour promouvoir le secteur, compte tenu de la diminution du nombre de permis et de la réticence des entreprises à investir.

M. Bouzaouada a appelé, dans ce contexte, à développer et à actualiser le cadre juridique spécifique du code des hydrocarbures, afin d’aider à la solution de ces problèmes. Il s'agit d'adapter le cadre législatif aux dispositions de l'article 13 de la nouvelle constitution et aux évolutions technologiques, afin de couvrir les aspects techniques et de contrôle de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels.

Le responsable a recommandé de pallier certaines insuffisances apparues au moment de l'étude des demandes de permis des hydrocarbures (octroi, prolongation, renouvellement, cession…) et de multiplier les avantages et les incitations pour encourager l'investissement dans ce domaine.

I. B. (avec Tap).

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