Jomaa-ARPComme prévu, la Loi de Finances 2015 a été adoptée, à l’aube du jeudi 11 décembre 2014, par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

Le projet de loi a été adopté dans son intégralité par 147 voix, 10 abstentions et 15 rejets, après une longue journée de mercredi consacrée au débat budgétaire, au cours duquel les parlementaires ont évoqué les thèmes du remboursement de la dette, de la baisse du pouvoir d'achat, du commerce parallèle et de l'adoption d'un nouveau modèle de développement.

Plusieurs députés ont considéré que les mesures contenues dans le budget de l'Etat ne répondent pas aux aspirations des Tunisiens notamment dans les régions intérieures. Ils ont également la structure du budget visant la réalisation des équilibres macroéconomiques aux dépens des objectifs de développement du pays.

Le député Adnene Hajji (indépendant) a proposé la préparation d'une loi de Finances complémentaire pour 2015 dans un délai ne dépassant pas le mois de mars prochain. Celle-ci devra prévoir des augmentations salariales et être axée sur les dépenses d'investissement, a estimé M. Hajji qui a appelé le gouvernement à des négociations sérieuses avec l'UGTT.

Le taux de croissance attendu ne correspond pas au volume du budget préparé, eu égard aux indicateurs économiques négatifs enregistrés, notamment le déficit commercial et l'exacerbation des phénomènes de la contrebande et de l'économie parallèle qui ont contribué à la dégradation de l'économie nationale, a encore indiqué M. Hajji, estimant que le projet de budget a été axé sur des hypothèses irréalistes et qu'il comporte un déséquilibre dans la structuration des ressources provenant de la fiscalité supportée pour une grande part par les salariés.

Cet avis a été partagé par Souad Cheffi (Front populaire) qui a considéré que le projet de budget a comporté «des mesures héritées du passé» et n'a pas pris en considération les causes qui ont déclenchés la révolution, à savoir les inégalités de développement et le chômage. Le budget se base sur les ressources fiscales alors qu'il comporte des mesures qui encouragent les entreprises à l'évasion fiscale, a indiqué Mme Cheffi, qui a déploré, en outre, l'absence de mesures pour orienter les dépenses vers l'impulsion du développement, comme l'infrastructure de base, en vue d'attirer les investissements.

Touhami Abdouli (Front de salut national) a évoqué, de son côté, l'article relatif à la recapitalisation des banques publiques, appelant à annuler la troisième tranche de cette opération (300 millions de dinars) car «la solution n'est pas de subventionner ces banques» qui ont accumulé les pertes pour cause de mauvaise gestion. Il faut plutôt d'après lui, connaitre les causes de la crise des banques publiques et leur demander des comptes, considérant que le peuple ne doit pas supporter la responsabilité des échecs des politiques adoptées par ces banques.

Le député Abdelaziz Ghotti (Nidaa Tounes) a demandé au gouvernement provisoire, de présenter des clarifications concernant le pôle sécuritaire et la création d'une agence de la sécurité nationale (forces de l'ordre et l'armée). Estimant qu'il s'agit là de structures nationales dont la création nécessite un consensus national, il a indiqué que ce genre de décision ne doit pas relever des prérogatives d'un gouvernement provisoire.

Fidèle à sa ligne altermondialiste, le député Fathi Chamkhi (Front populaire) a appelé à suspendre le remboursement de la dette contractée par le régime de Ben Ali, ainsi que celle de la période 2010-2015, qui s’élève à environ 22 milliards de dinars, ajoutant que «la dictature des dettes» a imposé une politique économique et sociale qui a porté préjudice à la Tunisie. La Tunisie, dont le montant des dettes remboursées en 2011 a atteint 3,7 milliards de dinars, est appelée à rembourser 7,4 milliards de dinars en 2015, ce qui de nature à alourdir les charges de l'Etat, a-t-il dit.

Pour la députée Kalthoum Badreddine (Ennahdha), le budget de l'Etat n'a pas traité le problème de la baisse du pouvoir d'achat, de la hausse du coût de la vie et de l'aggravation de l'inflation.

De son côté, le député Ridha Klaai (Echaab) a mis l'accent sur la nécessité de mettre en place des mesures de lutte contre la hausse des prix et d'allègement de la pression fiscale tout en incitant les chefs d'entreprises à payer leurs impôts.

Assemblee-des-representants-du-peuple

Tahar Foudhil (UPL) a, pour sa part, évoqué l’aggravation du phénomène du commerce parallèle et de la contrebande, appelant à trouver des solutions pour un meilleur contrôle des sites de production de manière à lutter contre ces pratiques qui nuisent à l’économie du pays et grèvent dangereusement le budget de l’Etat.

Son collègue Mohsen Hassan (UPL) a parlé de la baisse de la productivité et de la faiblesse des exportations, appelant à mettre fin aux pertes découlant de la corruption, qui sont estimées à environ 5% des richesses du pays.

Selon Ammar Amroussia (Front populaire), la Loi de finances doit prendre en considération les véritables besoins et revendications des Tunisiens, et non seulement les exigences de l’équilibre macroéconomique.

Quant à Khaled Chouket (Nidaa Tounes), il a appelé à l'adoption d'un nouveau modèle de développement et d'une nouvelle vision du budget et de la Loi de finances, ajoutant que son parti est d'accord sur le principe de la recapitalisation des banques publiques mais estime que cette opération devra être réalisée dans le cadre d'une vision globale de la modernisation du secteur bancaire. M. Chouket a également appelé à moderniser le système douanier afin d’augmenter les recettes de l'Etat, et à prendre en considération les besoins des collectivités locales.

Le député Youssef Jouini (UPL) a proposé l'adoption d'un mécanisme de solidarité et de lutte contre la pauvreté et le chômage, recommandant l'augmentation de la prime accordée aux veuves et personnes nécessiteuses à 300 dinars et l'octroi d'une prime aux familles habitant les zones frontalières.

I. B. (avec Tap).

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