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Ras Engela, un site que personne ne voyait, ni dans télés, ni dans les Atlas et encore moins sur les brochures. Pourtant, le cap dominé par un phare, se situe à un jet de pierre au nord de Bizerte, à l'extrême nord de l'Afrique .

Par Anouar Hnaïne

L'origine de son nom découle d'un dédale d'explications et de conjectures assez savoureuses. Ce qui est avéré (''La signalisation maritime en Tunisie de 1881 à 1920'') c'est que la construction date de la colonisation française.

Un nom, un dédale d'explications

C'est en juillet 1890 que ce phare de troisième ordre fut allumé. Première hypothèse, les architectes constructeurs ont baptisé ce phare à l'honneur de la femme du résident général Massicault, appelée Engela. Deuxième explication: le premier cargo annoncé dans la zone portait le nom Engela. Troisième version (peu plausible) : le phare était érigé pour protéger les deux rochers «les Fratelli» et on lui donna le nom du garde de service. Résultat, les futurs guides ont de la matière pour broder sur la tête couronnée de l'Afrique.

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A l'extrême nord du continent, un phare, une plage de sable fin...

1er décembre 2014. Riche de cette idée, le ministère du Tourisme a organisé une journée-découverte pour promouvoir Cap Engela. Le dossier de presse remis apporte des repères. C'est le point le plus septentrional de l'Afrique. Tiens! On ne l'apprend pas à l'école. Les autorités touristiques, même au sommet de la gloire, ne l'avaient pas signalé. Il n'est jamais tard.

Un bout de terre, de mer et de verdure

Les responsables sont enthousiastes : ils entreprennent une opération originale pour développer la région en s'associant à des intervenants locaux pour faire de ce bout de terre, de mer et de verdure un pôle d'attraction. Lequel possède un atout de taille, un argument de «vente» original et captivant. Ils ont invité des journalistes, des diplomates, des hôteliers pour une randonnée-découverte d'une matinée.

Dépassé Bizerte, les bus et les 4X4 escaladeront le mont en direction du Nadhor, une forêt touffue de pins maritimes exhale les senteurs de la nature vierge, une piste rocailleuse s'ouvre sur un paysage merveilleux, inattendu, des plaines vertes, des mamelons, des collines fertiles et verdoyantes à perte de vue. Un bémol fâcheux: les sacs en plastique et les détritus qui jonchent le sol des bords de routes.

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Amel Karboul jubile: elle rêve d'associer son nom à la découverte d'un futur hot-spot.  

Ravissement. Les hauteurs tombent peu-à-peu dans la mer, entre deux criques, un bout d'eau montre un bleu vif, une placette donne sur les criques, la mer en face, la forêt derrière, l'air vif, saveurs de pins, pas de village, pas de traces humaines. On est au bout du monde.

Rêve, réalité? Amel Karboul, ministre du Tourisme, jubile. Elle inaugure, au bord de la mer, sur un bout de roche, une stèle en inox représentant l'Afrique, et invite les diplomates à graver au feutre leur nom sur un tableau qui sera vite effacé par les vents. On aurait pensé à autre trace plus durable, mais hélas, parfois, on ne prête pas assez d'attention à des détails.

Au prix de cinq clichés

Prenez ces panneaux de signalisation par exemple censés désigner la direction Ras Engela : elles portent curieusement un sigle représentant un copier-coller du sigle de la nuisible chaîne télé Al-Jazeera, il fallait du temps pour décrypter le nom du cap. A trop bien faire... Soit !

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Amel Karboul pose avec ses invités représentants du corps diplomatique.

Un discours de Mme Karboul pour comparer ce coin du bout du monde, mieux un symbole, à son homologue sud-africain, Cap Agulhas, qui reçoit une moyenne de 2.000 touristes par jour. Ushuaia, le cap le plus austral qui se passe de publicité...

L'inauguration est suivie d'un abondant déjeuner de poissons du jour payant. Payant? La ministre précise, enjouée: «C'est au prix de cinq clichés», pour catapulter les images de ce site dans les médias. Ici, on a payé la facture.

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