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Nidhal-Selmi

L'incroyable histoire de Nidhal Selmi, ex-footballeur de l'Etoile sportive du Sahel (ESS), tué le 16 octobre 2014, en combattant aux côtés de l'Etat islamique (Daâch) en Syrie.

Par Zohra Abid

Sami Msolli, ancien coach des minimes de l'équipe de l'ESS, a appris la triste nouvelle par le biais de Kapitalis. Il en a été complètement bouleversé. «Qu'il repose en paix, un accident? Mais où, comment? Une maladie? Non, il se portait comme un charme, que s'est-il passé? Bon Dieu, ses fans au Sahel doivent être en deuil, c'est quand son enterrement?», dit M. Msolli à l'annonce de la mort du jeune footballeur, avant d'apprendre que l'ado, qu'il avait entraîné il y a quelques années, a été adopté par des extrémistes religieux en Tunisie avant d'être expédié à un camp jihadiste de l'Etat islamique (Daâch) en Syrie, où il a trouvé la mort.

Un jeune bien élevé et plein de vie

«Non, ne me dites pas ça, pas Nidhal, surtout pas lui... ''La hawla wala qowwat ella bellah'' (Dieu est grand)», enchaîne Sami Msolli, encaissant mal le choc de cette incroyable et tragique nouvelle.

Après quelques secondes d'étourdissement, il se ressaisit et raconte: «J'ai entraîné aussi son frère Rayan, son aîné d'un an. Rayan était un peu distant, pas très sociable et un peu retiré. Il me semble qu'il était pratiquant, mais pas plus. Mais Nidhal, je me souviens qu'il est né en 1993. Il était vraiment à l'opposé de son frère : ouvert, drôle et d'une rare bonté».

Selon son ancien coach, Nidhal Selmi était plein de vie, très bien élevé et intégré dans son équipe. «A chaque fois qu'on gagnait un match, il s'amusait avec ses coéquipiers, fêtait la victoire et faisait même le pitre. Tout le monde l'aimait. Il ne pouvait finir ainsi, je n'en reviens pas», dit encore Sami Msolli.

«Je ne comprends plus rien. Où va le monde? Où va notre jeunesse? Où va notre élite? Ce jeune n'est pourtant pas issu d'un milieu défavorable. Au contraire, son père a un magasin de pièces détachées automobiles à Hammam Sousse, sa ville natale, et il est considéré comme un notable de la ville. Il était proche de ses deux garçons et les encadrait bien. Il veillait de près sur leur éducation et ils n'ont jamais manqué de rien. Tous deux étaient, en un mot, des élèves exemplaires. Mais comment se fait-il qu'un jeune comme Nidhal succombe aux sirènes du jihad et tombe entre les mains de terroristes? Qui lui a bourré le crâne, lui qui n'était pourtant pas fragile? Si seulement j'avais su qu'il était en danger, je serais intervenu pour le sauver, j'aurais tout fait pour lui éviter de déraper. Non, pas lui, pour son frère Rayan, j'aurais à la limite compris qu'il ait pu succomber à l'influence des extrémistes, mais pas Nidhal», poursuit M. Msolli, à la fois écoeuré et inconsolable.

L'entraineur se souvient de cet arrière-droit qui étonnait les supporters de l'Etoile par son énergie, ses réflexes et sa bonne éducation. «Je l'ai entraîné de 2006 à 2010 dans la catégorie des minimes et il était toujours sélectionné. Avec lui, nous avons remporté plusieurs titres dont la Coupe de Tunisie catégorie U15. Aujourd'hui, 9 joueurs de cette équipe des minimes sont dans la catégorie des seniors de l'ESS. Dommage. Il était bien parti pour faire une grande carrière. Je l'aimais beaucoup. Lui aussi m'aimait. Lorsque j'ai perdu l'un de mes proches, il est venu jusqu'à Moknine pour me présenter ses condoléances. Je m'en souviens comme si c'était hier», raconte encore Sami Msolli.

Du stade de Sousse aux camps de Daach en Syrie

En février 2014, les amis et les fans de Nidhal l'ont perdu de vue. Il était injoignable au téléphone. «Il a beaucoup changé à partir de l'été 2013 et il en est devenu méconnaissable», raconte l'un de ses voisins. «Lui, qui publiait souvent sur sa page Facebook des photos le montrant souriant, craquant et croquant la vie à pleines dents, s'est radicalement transformé. Les publications sur sa page Facebook ont pris une connotation ouvertement jihadiste», ajoute-t-il.

Quelques semaines après ce brusque changement, Nidhal a commencé à publier des photos de lui prises en Syrie. Il était barbu, en tenue de combat, portant un Kalachnikov et appelant ses amis à rejoindre les camps des jihadistes pour défendre l'islam, combattre Al-Assad et les mécréants...

Le 16 octobre 2014, Rayan Selmi, son frère né en 1992, qui faisait partie, lui aussi, de l'élite sportive de la région du Sahel, a appelé sa famille pour lui annoncer la triste nouvelle.

Rayan est toujours en Syrie, en train de combattre aux côtés de l'organisation terroriste Daâch. Sa famille, ses proches et tous les gens qui l'ont connu n'en reviennent toujours pas.

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